Lionel Jospin

Publié le 26/02/2024|Modifié le 01/02/2024

Chef de file de la coalition de gauche, Lionel Jospin a été nommé Premier ministre en 1997 par le président de la République Jacques Chirac, après que cette coalition a remporté les élections législatives. Il s’agit à la fois de la cohabitation la plus longue et du gouvernement de gauche le plus durable de l’histoire de la Ve République. Premier ministre, Lionel Jospin a élaboré une façon de gouverner s’appuyant sur le concept de majorité plurielle.

Lionel Jospin à Matignon - Source : AFP

Lionel Jospin à Matignon

Lionel Jospin à Matignon - AFP

Pour rester fidèle à ses valeurs fondatrices, la République doit être accueillante aux formes nouvelles de vie et d'expression, institutionnelles, sociales ou individuelles.

Lionel Jospin

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Biographie

  • Né le 12 juillet 1937 à Meudon (Hauts-de-Seine)
  • Profession : diplomate et enseignant en économie
  • Partis politiques : PSU, UGS, OCI, puis Parti socialiste
  • Député du XVIIIe arrondissement de Paris de 1981 à 1988 puis élu député de Haute-Garonne, à Cintegabelle, en 1988 et 1997
  • Premier ministre de juin 1997 à mai 2002
Fils d'une sage-femme devenue assistante sociale de l’Education nationale et d'un instituteur militant et élu de la SFIO, Lionel Jospin est éduqué dans une culture socialiste et protestante. Après une année d’hypokhâgne, il intègre l'Institut d'études politiques de Paris. Il milite dans des structures hostiles à la guerre d’Algérie, l’Union nationale des étudiants de France (1956), l’Union de la gauche socialiste (1958) puis le Parti socialiste unifié (1960). Reçu à l'Ecole nationale d’administration (promotion Stendhal), il part d’abord sous les drapeaux. Son rejet du stalinisme, le mène à intégrer l’Organisation communiste internationaliste, groupe trotskyste lambertiste. Il débute sa carrière professionnelle en tant que secrétaire des affaires étrangères.
Cependant, il choisit en 1969 de quitter la carrière diplomatique. Devenu maître de conférences associé puis professeur associé d'économie à l'Université de Paris XI, il y enseigne de 1970 à 1981.
En 1971, il adhère au Parti socialiste. Devenu un proche de François Mitterrand, ce dernier le choisit pour lui succéder au poste de premier secrétaire du PS en 1981. Il y demeure jusqu'en 1988. Lionel Jospin est aussi en charge de la campagne de François Mitterrand, de nouveau candidat en 1988.
Après la réélection de François Mitterrand, Lionel Jospin exerce les fonctions de ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et des Sports, dans le gouvernement Rocard (juin 1988-mai 1991) puis ministre d'État, ministre de l'Éducation nationale, dans le gouvernement Cresson (mai 1991 à avril 1992).
En 1995, Lionel Jospin se présente à l’élection présidentielle. Il arrive en tête au premier tour et obtient 47,3 % des suffrages exprimés au second tour. En octobre de la même année, il est réélu premier secrétaire du Parti socialiste.  

LIONEL JOSPIN À L'HÔTEL DE MATIGNON

Seulement quatre ans après la victoire écrasante de la droite lors des élections législatives de 1993, la dissolution de l'Assemblée nationale de 1997 offre au Parti socialiste une nouvelle campagne électorale. Presque assuré de ne pas disposer de majorité absolue au Parlement, le PS lance avec ses alliés le concept de gauche plurielle. Celle-ci remporte les élections. Reçu à l’Elysée, Lionel Jospin annonce lui-même sur le perron qu’il vient d’être nommé Premier ministre.

Gouverner autrement

Dès sa prise de fonction, Lionel Jospin met en place sa méthode, fondée à la fois sur un respect des sensibilités de la gauche plurielle et une communication gouvernementale modeste. C’est un gouvernement à la fois resserré et pluriel. Il compte seulement 26 membres dont 14 ministres. Il comporte trois communistes, un écologiste, un membre du Mouvement Des Citoyens, un radical de gauche, qui disposent de ministères d’importance (le MDC Jean-Pierre Chevènement est ainsi à l’Intérieur). Pour la première fois, des femmes sont promues à des ministères régaliens (Elisabeth Guigou devient garde des Sceaux). Pour la première fois, un Premier ministre impose à ses ministres de renoncer à la direction d’un exécutif local.

Politique générale : un pacte de « développement et de solidarité »

Le 19 juin 1997, Lionel Jospin présente son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Il définit les points saillants d’un programme, fondé sur l’idée d’un pacte avec les Français. Ce pacte se décline en deux temps. C’est tout d’abord un pacte républicain mais également un pacte de « développement et de solidarité ».
S’appuyant sur « une éthique républicaine » de la « parole donnée » et du « service de la Nation », le Premier ministre entend mener une action réformatrice, initiée au cœur même de l’État :
  1. La formation du citoyen à l’école, la réforme de la nationalité, l’égalité entre les hommes et les femmes en politique comme dans le monde du travail, doivent notamment participer au renfort des valeurs fondatrices de la Nation.
  2. La réforme de l’État et la valorisation de la fonction publique dans un processus d’innovation (développement des nouvelles technologies) doivent contribuer à renforcer la citoyenneté en rapprochant les Français de l’administration.
  3. L’indépendance de la Justice, la rénovation de la vie démocratique locale et la mise en place d’une police de proximité et de contrats locaux de sécurité, doivent participer au renfort des valeurs républicaines, en assurant selon Lionel Jospin, un État impartial, qui se conforme au droit et inspire le respect.
Il s’agit aussi d’un pacte de développement et de solidarité dont l’emploi est la priorité. La réalisation de l’union monétaire en Europe, la recherche d’une croissance plus vigoureuse, la réforme des modalités de licenciement et la répartition des ressources de l’emploi entre générations, à travers la réduction négociée du temps de travail, et le programme d’emploi pour les jeunes, sont des piliers de développement. De fait, la solidarité nationale et les services publics, au cœur du lien social, doivent constituer, selon Lionel Jospin, un autre pan d’une politique de soutien à l’intégration républicaine des plus démunis, et au soutien de l’économie. Le Premier ministre annonce ainsi une série de mesures de solidarité sociale : revalorisation du Smic, contribution sociale élargie, réhabilitation d’un million de logements sociaux, accès à la santé pour tous.

Un renouvellement dans le fond et dans la forme

La collégialité est mise en avant dans l’orchestration du travail ministériel : lors de séminaires gouvernementaux, Lionel Jospin réunit le jeudi, tous les quinze jours, les ministres et ministres délégués, et, tous les mois, l’ensemble de son gouvernement. Les ministres bénéficient d’une certaine autonomie et d’un accès facile au Premier ministre. Cette disponibilité de Matignon est similaire vis-à-vis du Parlement : Lionel Jospin est assidu aux séances de questions au gouvernement et réserve la primeur de ses principales annonces aux parlementaires. La cohabitation prend ainsi une couleur parlementaire, soit une pratique inédite sous la Ve République.
Si le Premier ministre pratique toujours la concertation en amont – il consulte beaucoup, écoute les points de vue, prend des notes –, il est aussi connu pour trancher seul. Placé au centre de gravité de sa majorité politique, Lionel Jospin apparaît comme l’arbitre de la majorité plurielle.
Lionel Jospin a imposé le non cumul des mandats aux ministres mais il souhaite aussi institutionnaliser celui des députés. La loi organique adoptée par l’Assemblée nationale est toutefois rejetée par le Sénat où l’opposition est majoritaire. En 2000, la réforme est donc finalement réduite à la limitation de cumul pour les parlementaires européens.
La ratification du traité instituant une Cour pénale internationale entraîne un effet institutionnel national. Comme ils l’avaient fait pour le traité d’Amsterdam, les deux têtes de l’exécutif décident de saisir le Conseil constitutionnel. En sa réponse, ce dernier affirme que le président de la République relève d’un privilège de juridiction qui ne permet pas qu’il soit jugé durant son mandat, pour quelque fait que ce soit, ailleurs que devant la Haute Cour de Justice.
En 2000, le président de la République et le Premier ministre apportent un soutien commun au référendum instaurant le quinquennat. Consécutivement, Lionel Jospin fait voter l’inversion du calendrier électoral des échéances législatives et présidentielles.

Un volontarisme social et européen

La ligne politique fait clairement le lien entre les engagements européens de la France (le choix de l’euro et de la lutte contre les déficits) et une politique sociale volontaire : augmentation des fonctionnaires, primes de Noël pour les chômeurs, hausse des minima sociaux, etc., tandis que les traités européens d’Amsterdam puis de Nice sont ratifiés. La baisse des impôts se fait de 2000 à 2002. La législation sur les licenciements est durcie.
La loi sur la CMU garantit une couverture sociale aux personnes les plus démunies sans avance de frais. Le temps de travail est réduit à 35 heures en assurant une flexibilité dans ses applications. Le gouvernement bénéficie, à partir de juin 1997, d’une nette embellie de la conjoncture économique mondiale, la consommation et l’investissement repartent, le chômage diminue. Le 30 avril 1998, le chômage passe sous la barre symbolique des trois millions. Il poursuit sa baisse pendant trois ans.

Un volontarisme girondin

En 1998, une révision constitutionnelle dote la Nouvelle-Calédonie d’un statut nouveau dans les institutions françaises, forgé grâce à des consultations multipartites. Dorénavant, l'assemblée locale élue (le « Congrès du territoire ») dispose, sur certains sujets non régaliens, d'un pouvoir législatif propre à la Nouvelle-Calédonie. De plus, le « Sénat coutumier » est « saisi des projets de loi du pays et des délibérations lorsqu'ils concernent l'identité kanak ». Un gouvernement collégial est élu par l'assemblée et responsable devant elle. Il maîtrise directement un certain nombre de compétences.
Un long processus de concertations et négociations permet d’aboutir à un nouveau statut pour la Corse.

Un volontarisme sociétal

En 1999, la parité est institutionnalisée par une révision constitutionnelle donnant à la loi le soin d’organiser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
La parité est une modification institutionnelle qui participe à une politique d’égalité d’ensemble.  

La loi Royal instaure un congé de paternité.

L’instauration du Pacs est longue. Outre l’opposition massive des parlementaires de droite, le président de la République désavoue publiquement le texte lors de son examen par le Conseil constitutionnel. Finalement, le texte est promulgué fin 1999, instaurant un système neuf d’union civile, quel que soit le sexe des contractants.

L'APRÈS-MATIGNON

Candidat à la présidence de la République, Lionel Jospin arrive troisième au premier tour de l’élection présidentielle du 21 avril 2002. Ayant obtenu 16,18 % des suffrages, il est devancé par Jean-Marie Le Pen (16,86 %). Il déclare assumer pleinement la responsabilité de cet échec en se retirant de la vie politique. 
En 2012, le président de la République François Hollande confie à Lionel Jospin la présidence de la Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique. 

LES PRINCIPALES LOIS DU GOUVERNEMENT JOSPIN