Jacques Chirac (1986-1988)

Publié le 26/02/2024 | Modifié le 01/02/2024

Jacques Chirac a cumulé les plus hautes fonctions au service de l'État français. Il a été nommé deux fois Premier ministre, de 1974 à 1976, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, puis en cohabitation avec le président François Mitterrand de 1986 à 1988. Il fut également le premier maire de Paris après la réhabilitation de cette fonction et effectua deux mandats de président de la République.

Jacques Chirac - Source : Service photo de Matignon

Jacques Chirac

Jacques Chirac - Service photo de Matignon

Depuis une semaine nous sommes entrés dans ce que nous appelons la cohabitation. Cette situation institutionnelle particulière, je l'ai déjà vécue. C'était en 1986, j'étais Premier ministre et j'avais pu apprécier le rôle fondamental, je l'avais indiqué, du président de la République en tant que gardien de nos institutions. Aujourd'hui, mon devoir c'est de veiller à ce que chacun ait sa place, et respectant l'autre, nous servions tous ensemble des intérêts et des valeurs qui nous dépassent, qui nous unissent aussi et qui sont tout simplement les idéaux de la République au premier rang desquels l'égalité des chances, la morale civique, la vertu républicaine

Jacques Chirac

  • Le 7 juin 1997
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Biographie

  • Né le 29 novembre 1932 à Paris, décédé le 26 septembre 2019 à Paris
  • Profession : haut fonctionnaire (Cour des comptes)
  • Partis politiques : UDR - RPR - UMP
  • Premier ministre sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing de mai 1974 à août 1976
  • Maire de Paris de mars 1977 à mai 1995
Né à Paris, Jacques Chirac est le fils d'un administrateur de biens ; sa famille est originaire de Corrèze. Ses deux grands-pères sont instituteurs et radicaux-socialistes. Elève à Louis-le-Grand, il y développe une passion jamais démentie pour les civilisations anciennes et/ou asiatiques. Intégrant l'Institut d'études politiques de Paris, il y fréquente les cercles de gauche, dont son condisciple Michel Rocard. Il s’inscrit ensuite à la Summer School de l'université de Harvard, et entreprend un tour des États-Unis en auto-stop.
N’échouant que de peu à être le major de sa promotion de Sciences-Po, admis à l’Ena, il décide d’accomplir avant ses obligations militaires. Major de sa promotion d’élèves officiers de réserve à l’Ecole de Saumur, il demande à servir en Algérie. Promotion Vauban (1959) de l’Ena, il est nommé auditeur à la Cour des comptes à sa sortie.
En 1962, il rejoint le cabinet de Georges Pompidou, alors Premier ministre. Il est chargé de mission au Secrétariat général du Gouvernement puis chargé de mission au cabinet du Premier ministre Georges Pompidou. Ce dernier apprécie le tempérament énergique de celui qu’il surnomme affectueusement « mon bulldozer ». Jacques Chirac est ensuite conseiller référendaire à la Cour des comptes de mars 1965 à mars 1977. A 35 ans, il est élu député de Corrèze en 1967, mais il ne siégera que deux mois à l'Assemblée nationale, car il commence alors une longue carrière ministérielle.
Après la mort de Georges Pompidou, il pousse Pierre Messmer à être le candidat gaulliste à l’élection présidentielle. Finalement, il choisit Valéry Giscard d’Estaing contre Jacques Chaban-Delmas.  

Les postes ministériels

  • 1967-1968 : secrétaire d'État chargé des problèmes de l'emploi (gouvernement de Georges Pompidou), il joue un rôle crucial dans les accords de Grenelle, le 25 mai 1968
  • 1968-1969 : secrétaire d'État à l'Economie et aux Finances (gouvernement de Maurice Couve de Murville)
  • 1969-1971 : secrétaire d'État chargé de l'Economie et des Finances (gouvernement de Jacques Chaban-Delmas)
  • 1971-1972 : ministre d'État, ministre des Relations avec le Parlement (gouvernement de Jacques Chaban-Delmas)
  • 1972-1973 : ministre de l'Agriculture et du Développement rural (gouvernement de Pierre Messmer)
  • 1974 : ministre de l'Intérieur (gouvernement de Pierre Messmer)*
  • Mai 1974 - août 1976 : Premier ministre sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing  

Le retour à Matignon

En 1986, Jacques Chirac est nommé Premier ministre par François Mitterrand à l'issue des élections législatives qui donnent une majorité de droite à l'Assemblée nationale. Commence alors, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, une période dite de « cohabitation » entre un président de la République et un Premier ministre de couleur politique opposée. Edouard Balladur, ancien secrétaire général de l’Elysée sous Pompidou devenu le conseiller privilégié de Jacques Chirac, a formalisé avec précision, au cours des années 1980, les contours de ladite cohabitation.

JACQUES CHIRAC À L'HÔTEL DE MATIGNON (1986-1988)

Au soir du 16 mars 1986, la droite obtient la majorité absolue. Le président Mitterrand nomme Premier ministre le leader néo-gaulliste Jacques Chirac. Celui-ci demeure le seul homme politique à avoir ainsi occupé l’Hôtel Matignon sous deux présidents différents et de couleurs politiques différentes. Le gouvernement est composé de gaullistes, de libéraux et de démocrates-sociaux. Le Premier ministre conserve son fauteuil de maire de Paris.
Pour encadrer et coordonner les ministres, Jacques Chirac s’entoure d’un cabinet étoffé. Les contacts directs entre l’Elysée et les ministres sont réduits au maximum. Le choix d’un diplomate aguerri comme directeur de cabinet, Maurice Ulrich, montre la volonté de peser également dans le « domaine réservé » du président, les affaires internationales. Le concept de « domaine réservé » va peu à peu laisser place à celui de « domaine partagé ».  

Discours de politique générale, 9 avril 1986

Le Premier ministre dresse un tableau très noir de l’état économique de la France. Si la puissance de l’État fait partie de la culture française et de son goût pour l’égalité, elle a enfanté une société bloquée, explique-t-il. Le remède préconisé est une forte libéralisation de l’économie. L’initiative privée doit permettre la relance de la machine économique. La maîtrise des déficits, l’allègement des charges, la compression des dépenses publiques, la rigueur de la politique monétaire, la facilitation des licenciements, la réforme du droit de la concurrence sont dits être autant de moyens de redressement économique. Il s’agit de générer une amélioration de la compétitivité des entreprises françaises qui, en retour, devraient produire des emplois et une société moins administrée. Ce chantier doit se faire en y associant les syndicats autant que faire se peut. Pour le Premier ministre : « Il nous faut donc développer nos capacités d'exportation ce qui implique à la fois des progrès de productivité de la part de nos entreprises industrielles, un puissant effort de recherche qui renforce nos positions dans les technologies du futur et la promotion de secteurs plus traditionnels mais qui doivent contribuer fortement à l'équilibre de nos échanges. Et je pense tout spécialement, bien sûr, à notre agriculture ».
Les conceptions libérales ne sont pas réduites à la sphère économique. Le Premier ministre souhaite une simplification administrative et une transformation de l’enseignement secondaire et supérieur reposant sur une amélioration globale par l’autonomisation et la mise en concurrence des unités.
Toutefois, la nation ne serait pas confrontée qu’à ce déficit de libéralisme. Le pays est dit rongé par l’insécurité, en sus de connaître le feu du terrorisme. Par ailleurs, le Premier ministre s’interroge sur la capacité de la France à intégrer les flux migratoires. Si les liens entre outre-mer et métropole doivent être fortifiés, le code de la nationalité doit être réformée et les dispositifs légaux quant à l’immigration révisés. La question renvoie à un malaise culturel : « Plus profondément encore, la France s'interroge sur son avenir en tant que nation, unie dans l'amour de la même culture et dans la volonté de vivre ensemble. D'un côté, l'accroissement ininterrompu de la population étrangère sur son sol, malgré l'arrêt officiel mais non contrôlé de l'immigration ; de l'autre côté, l'hiver démographique qui engourdit notre dynamisme et ne nous permet même plus de renouveler nos générations. Tous ces phénomènes, qui touchent à l'âme collective d'un peuple, contribuent à créer un climat complexe où se mêlent à la fois l'incertitude mais aussi l'attente et l'espérance ».
En ce début de première cohabitation, le Premier ministre n’ignore pas en son discours la question de la politique internationale. C’est là le point de son discours le plus proche de celui prononcé en 1974, après qu’il fut nommé à Matignon par le président Giscard d’Estaing. Il rappelle les alliances de la France et la nécessité cependant d’entretenir un dialogue avec les pays d’Europe de l’Est et l’Union soviétique. Clairement, il s’inscrit dans des traditions diplomatiques gaullistes tout en soulignant explicitement ses convergences de vue avec le président Mitterrand.
L’équilibre constitutionnel est un point important de ce discours marquant l’ouverture d’un nouveau type d’exécutif. Les conceptions du Premier ministre sont marquées de l’influence de la pensée d’Edouard Balladur en la matière. En effet, il déclare que les institutions reposent sur un triptyque : « le président de la République qui incarne l'unité de la Nation et la continuité de l'État, et dispose pour cela de pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution ; le Gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation, toute sa politique, et qui en est responsable devant l'Assemblée nationale ; le Parlement qui légifère.[…] Si chacun joue son rôle, dans le strict respect de la lettre et de l'esprit de la Constitution, il n'y aura ni contretemps ni blocage. L'opinion publique y sera vigilante et sanctionnerait quiconque prétendrait transgresser cette règle du jeu démocratique ».

La première cohabitation

Pour Jacques Chirac, il s’agit d’appliquer à la lettre l’article 20 de la Constitution selon lequel « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». Mais François Mitterrand souhaite imposer le respect des prérogatives présidentielles, notamment dans son domaine réservé.
Pressée par le calendrier (l’élection présidentielle se tiendra dans moins de deux ans), la majorité parlementaire autorise Jacques Chirac à recourir aux procédures d’urgence, notamment les ordonnances1. Mais le président Mitterrand refuse d'en signer certaines, récusant l’idée que le Premier ministre puisse forcer la main du président, et l’obligeant à oeuvrer avec le pouvoir législatif.
Le gouvernement souhaite libéraliser l’économie française. L’autorisation administrative de licenciement est supprimée en quelques semaines. Le gouvernement engage une réforme de l’audiovisuel de grande ampleur, marquée par la privatisation de TF1 et l’installation de la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL). Le ministre de l’Economie et des Finances, Edouard Balladur, supprime l’impôt sur la fortune. Institué sous François Mitterrand après sa victoire en 1981, il est jugé improductif par la majorité, qui estime qu’il rapporte peu et qu’il est à l’origine d’une évasion fiscale massive.
L’Assemblée adopte également le retour au scrutin majoritaire pour les prochaines législatives.
Alors que la France est endeuillée par une vague d’attentats terroristes, Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, fait voter une loi sur la sécurité et les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
La cohabitation fonctionne, non sans tensions. Celles-ci néanmoins parviennent à s’exprimer dans la tradition de la Ve République, donnant raison aux théories politiques d’Edouard Balladur : quoique conçues pour le pouvoir fort du général de Gaulle, les institutions se sont avérées assez souples pour s’adapter.  

L'APRÈS-MATIGNON

Jacques Chirac est battu par François Mitterrand à l'élection présidentielle en 1988, obtenant 45,98 % des suffrages au second tour. Il se présente pour la troisième fois devant les électeurs en 1995. Il est élu président de la République, avec 52,64 % des voix. Marqué par le souvenir de ses passages difficiles à Matignon, il choisit son plus proche lieutenant, Alain Juppé, comme Premier ministre. Il décide de dissoudre l’Assemblée en 1997. Les élections donnent la victoire à la coalition de gauche menée par Lionel Jospin. Le président Chirac nomme donc celui-ci Premier ministre et connaît une longue cohabitation (1997-2002). Face au candidat d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, il est réélu président de la République avec le plus haut score de l’histoire de ce scrutin : 82,21 % des suffrages exprimés.
En 2007, Jacques Chirac se retire de la vie politique et siège au Conseil constitutionnel 2. En 2008, il crée une fondation : la Fondation Chirac, pour le développement durable et le dialogue des cultures.

LES PRINCIPALES LOIS DU GOUVERNEMENT CHIRAC