Compte rendu du Conseil des ministres du 18 mars 2020
Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.
Publié le 18/03/2020
Projets de loi
Le Premier ministre a présenté un projet de loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
L’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoit que la procédure de question prioritaire de constitutionnalité est encadrée par des délais tant devant les juridictions des ordres administratifs et judiciaires que devant le Conseil constitutionnel.
L’absence d’examen, dans un délai de trois mois, des questions prioritaires soulevées dans le cadre d’un litige devant le Conseil d’État et la Cour de cassation entraîne le dessaisissement de ces juridictions, le Conseil constitutionnel en étant saisi d’office.
L’épidémie de Covid-19 fait obstacle à ce que ces juridictions se réunissent en formation collégiale et, par conséquent, à ce que les délais de jugement impartis puissent être respectés.
Aussi, le projet de loi organique prévoit que le délai de trois mois de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité par le Conseil d’État et la Cour de cassation ainsi que le délai de trois mois dans lequel le Conseil constitutionnel statue sur une question transmise soient suspendus jusqu’au 30 juin 2020.
Le Premier ministre a présenté un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
Le projet de loi comprend trois titres :
- Le titre I er est consacré aux report du second tour des élections municipales.
D’une part, les conseillers municipaux élus le 15 mars au premier tour le demeurent. D’autre part, dans environ 5 000 communes, le second tour est reporté. Le projet de loi précise les règles applicables aux communes et intercommunalités concernées pendant la période intermédiaire entre les deux tours.
Le second tour se tiendra au plus tard fin juin. Un rapport sur l’épidémie sera remis avant le 10 mai faisant le point sur la situation et sur la possibilité de respecter cette échéance.
Le même report est décidé pour l’élection des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.
- Le titre II porte sur l’état d’urgence sanitaire.
Notre droit connaît actuellement deux fondements pour prendre des mesures sanitaires : le pouvoir de police générale du Premier ministre et l’article L. 3131-1 du code de la santé publique qui permet au ministre de la santé de prendre, en cas de « menace » d’épidémie, « toute mesure pour protéger la santé de la population ». Pour les catastrophes sanitaires très graves, comme celle du Covid 19, il est créé un régime d’état d’urgence sanitaire qui permet de fonder toute mesure réglementaire ou individuelle limitant certaines libertés afin de lutter contre l’épidémie.
- Le titre III porte sur les mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid 19.
Ce titre comporte 43 habilitations à prendre des mesures par ordonnance. Ces mesures correspondent aux annonces du Président de la République et du Premier ministre. En premier lieu, sont concernées des mesures économiques et sociales : soutien à la trésorerie des entreprises, aide directe ou indirecte aux entreprises, limitation des ruptures des contrats de travail, utilisation des congés payés, simplification du droit des procédures collectives, sursis aux factures d’eau et d’électricité pour les très petites entreprises, etc.
En second lieu, figurent dans ce titre diverses mesures de nature administrative ou juridictionnelle pour adapter les délais légaux, les règles de procédure pénale à peine de nullité, les convocations des assemblées générales des sociétés ou des syndics de copropriété…
En troisième lieu, la loi comporte des habilitations pour faciliter la garde des enfants dans le contexte de fermeture des structures d’accueil du jeune enfant. Une attention particulière est portée aux personnes les plus fragiles avec par un exemple la prolongation de la trêve hivernale pour surseoir aux expulsions locatives. De même, la loi comporte des mesures pour les personnes en situation de handicap permettant d’adapter les conditions d’organisation de l’offre médico-sociale et d’éviter les ruptures de droit.
Enfin, sont insérées des dispositions pour assurer la continuité du fonctionnement des organes des collectivités territoriales.
Ce titre proroge de manière générale de quatre mois tous les délais pour prendre des ordonnances prévues dans des lois déjà votées.
Le ministre de l’Économie et des Finances et le ministre de l’Action et des Comptes publics ont présenté un projet de loi de finances rectificative pour 2020.
À la suite des annonces du Président de la République visant à soutenir l'économie dans le contexte de crise sanitaire que connaît la France, ce projet de loi de finances rectificative pour 2020 vise d’une part à instaurer une garantie de l’État sur les prêts octroyés aux entreprises par les banques pour 300 milliards d’euros et à ouvrir, d’autre part, les crédits d’urgence visant à financer l'activité partielle, qui sera rendue plus protectrice pour les travailleurs, et un fonds d'indemnisation pour les très petites entreprises, co-financé par les régions.
Avec les mesures, déjà décidées, de report des charges fiscales et sociales pour le mois de mars à destination de toutes les entreprises qui le souhaitent, ce sont 45 milliards d’euros qui sont ainsi injectés pour soutenir notre économie et nos entreprises.
Ce montant comporte également une provision de 2 milliards d’euros pour accompagner les soignants à l’hôpital et fournir du matériel comme les masques. Cette provision permettra également de financer le recours accru aux indemnités journalières des salariés.
Ce projet de loi de finances rectificative est construit sur une hypothèse de croissance en 2020 revue à -1%, en ligne avec l’estimation établie à ce jour par les instances européennes.
Le déficit public sera en conséquence revu, du fait de ces circonstances exceptionnelles à 3.9 %.
Avec ces dispositions, le Gouvernement met en œuvre un plan massif de soutien à l'économie face à un crise d'une ampleur inédite.
Le ministre de l’Économie et des Finances et la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances ont présenté une lettre rectificative au projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.
La lettre rectificative complète le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière sur deux points.
D’une part, elle propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de transposition de plusieurs textes européens régissant la circulation et la commercialisation des médicaments vétérinaires et des aliments médicamenteux pour animaux afin, notamment, d’en accroître la disponibilité au sein de l’Union européenne, de favoriser l’innovation et d’alléger les contraintes administratives existantes dans ce domaine.
D’autre part, cette lettre rectificative intègre au projet de loi un article habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures qui pourraient être nécessaires à la fin de la période de transition instituée par l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Cet accord, qui est entré en vigueur le 31 janvier 2020, assure un retrait ordonné du Royaume-Uni de l’Union européenne et sécurise, notamment, les droits des citoyens britanniques et européens s’agissant de leur séjour et de l’exercice de leur activité professionnelle, respectivement au sein de l’Union et au Royaume-Uni. Il instaure par ailleurs une période de transition, qui s’achèvera en principe le 31 décembre 2020, pendant laquelle le droit de l’Union européenne demeure applicable au Royaume-Uni comme s’il était encore un Etat membre de l’Union.
Cette période de transition, qu’il est possible de prolonger pour un ou deux ans si l’Union européenne et le Royaume-Uni le décident avant le 1er juillet 2020, a pour objet de laisser le temps aux acteurs économiques de s’adapter aux conséquences, à tous les niveaux, du statut d’Etat tiers qui est désormais celui du Royaume-Uni à l’égard de l’Union. A cet égard, le gouvernement appelle à nouveau tous les acteurs concernés à prendre toutes les mesures qu’implique cette nouvelle situation.
Pendant cette période de transition, l’Union européenne et le Royaume-Uni négocient un nouveau partenariat définissant leur relation future. Les Etats membres de l’Union ont mandaté à cette fin la Commission européenne, représentée par Michel Barnier, qui bénéficie du plein soutien du Gouvernement français dans cette entreprise.
Quelle que soit l’issue de cette négociation, le Gouvernement estime indispensable d’être en mesure de prendre, le cas échéant, les mesures strictement nécessaires à la préservation des intérêts français afin de tenir compte du nouveau statut du Royaume-Uni à l’égard de l’Union européenne.
Les mesures envisagées pourraient notamment porter sur la supervision de la sécurité ferroviaire au sein du tunnel sous la Manche, la poursuite des transferts de matériels de défense entre le Royaume-Uni et l’Union ou encore viser à préserver les intérêts des assurés et épargnants français.
Cette habilitation, qui se justifie par cette situation exceptionnelle, vise à permettre au Gouvernement de réagir, le cas échéant dans des délais contraints. La nécessité des mesures à adopter sera toutefois évaluée en temps utile au regard de l’évolution des négociations en cours et seront prises en concertation avec la Commission européenne, dans le respect du mandat qui lui a été confié.
Communication
Le ministre des Solidarités et de la Santé a présenté une communication relative au Covid-19.
Au plan international, 155 pays recensent désormais des patients infectés par le Covid-19, dont le total atteint près de 200 000 cas. 55 % de ces cas se trouvent hors de Chine, en raison d’un quasi-arrêt de l’épidémie dans ce pays et d’une émergence rapide de cas positifs dans le reste du monde. Désormais, l’Europe est l’épicentre de la pandémie, avec plus de 60 000 cas et 3000 morts.
Avec 31 500 cas recensés, l’Italie affiche de loin la plus forte incidence mondiale, et se rapproche des chiffres atteints à la seule échelle de la province chinoise du Hubei. Suivent l’Espagne et l’Allemagne, avec respectivement 11 800 et 9 300 cas.
Le taux de décès liés à l’infection au coronavirus se maintient, dans l’état des données actuellement disponibles, à 3,6 % dans le monde, et même à 7,2 % en Italie. La préservation de la capacité du système de santé à bien prendre en charge les patients est un objectif majeur de la gestion de crise, d’où la mise en œuvre dans l’ensemble des pays touchés de mesures de distanciation sociale massives pour freiner la propagation du virus. Le 12 mars, le centre européen de contrôle des épidémies (ECDC) a recommandé aux pays membres de l’Union européenne de renforcer considérablement ces mesures.
Au plan national, la France comptait au 17 mars, 7730 cas de Covid-19 sur son territoire, en hausse de plus de 1000 cas en 24 heures, avec un rythme actuel observé de doublement des cas tous les trois jours. 2579 patients sont actuellement hospitalisés pour Covid-19, dont 699 cas graves en réanimation, avec une médiane d’âge de 60 ans pour les hospitalisés en réanimation. 175 patients sont décédés de cette infection à ce jour.
Environ un tiers des départements ont atteint un niveau de circulation très active du virus, principalement dans les régions Grand Est, Île-de-France, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Corse.
Dans l’objectif de freiner l’épidémie, les mesures de gestion ont été graduellement renforcées par le Président de la République et le Gouvernement, sous l’éclairage d’un comité scientifique. Les écoles et les universités sont fermées jusqu’à nouvel ordre depuis le 16 mars. Les rassemblements sont désormais interdits afin d’assurer un respect strict de la distanciation sociale, et une mesure de confinement généralisé est applicable pour au moins 15 jours à tous les Français, en dehors d’impératifs absolus. L’application stricte des mesures barrières et le respect de la distanciation sociale demeurent les mesures les plus efficaces pour freiner la diffusion du virus.
L’ensemble de ces mesures s’accompagne d’une priorité absolue donnée aux soignants, dont les enfants sont accueillis dans les établissements scolaires.
S’agissant du système de santé, en raison de la diffusion désormais très large du virus et de son impact sur l’offre de soins à anticiper au plan national, le stade 3 est déclaré depuis le 14 mars.
Dès le 12 mars, la décision de déprogrammer sur la France entière l’ensemble des activités non urgentes dans tous les hôpitaux et cliniques a été prise, pour libérer un maximum de lits disponibles en réanimation, et permettre les délestages inter-régionaux au vu de la progression de la vague sur le territoire national.
L’entrée en stade 3 a également marqué la bascule vers une prise en charge avant tout en médecine de ville. En stade 3, les patients qui présentent des symptômes sans gravité (80 %) sont pris en charge par la médecine de ville. Les téléconsultations sont favorisées. Il ne faut pas appeler le 15 ni se rendre aux urgences ou en cabinet lorsqu’on ne présente pas de signe de gravité, mais appeler son médecin traitant.
S’agissant des équipements de protection des soignants, la priorité de l’approvisionnement en masques est donnée aux départements où le virus circule le plus activement, pour les professionnels de santé amenés à prendre en charge des patients Covid-19 en ville, à l’hôpital, les structures médico-sociales accueillant des personnes fragiles et les services d’aide à domicile.
Un approvisionnement est également réalisé dès cette semaine sur l’ensemble du territoire national, dans le circuit des pharmacies d’officine et dans celui des hôpitaux référents. La bonne mise en œuvre de cette stratégie repose sur le civisme, la responsabilité individuelle et l’évaluation permanente du risque face à une situation inédite et très évolutive. Les masques sont uniquement pour les malades et les soignants.
Le ministère des Solidarités et de la Santé est appelé à poursuivre, avec la même transparence, la tenue d’un point presse quotidien sur l’évolution de la propagation du coronavirus. Les Français peuvent se référer régulièrement au site du Gouvernement dédié au coronavirus, où ils peuvent disposer en continu d’une information fiable, mise à jour et vérifiée.
Pour mettre en œuvre les décisions annoncées le 16 mars par le Président de la République, le Premier ministre a décidé de faire évoluer l’organisation interministérielle de crise en activant le centre de crise du ministère de l’Intérieur.
- Elle permettra le suivi constant des questions ne relevant pas du champ sanitaire : respect des mesures de confinement, ordre public, sécurité des frontières, etc.
- Le pilotage des aspects sanitaires reste quant à lui assuré par le ministère des Solidarités et de la Santé.
Ces deux organisations seront naturellement coordonnées de manière permanente, et une communication conjointe quotidienne sera organisée.
Nomination(s)
Le Conseil des ministres a adopté les mesures individuelles suivantes :
Sur proposition de la ministre de la Transition écologique et solidaire :
- M. Antoine BERBAIN, ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, est nommé directeur général du Port autonome de Paris.
Sur proposition de la ministre du Travail :
- M. Jean-Marie MARX, ingénieur général des ponts, des eaux et forêts, est nommé haut-commissaire aux compétences ;
- M. Thibaut GUILLUY est nommé haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises.
Sur proposition du ministre l’Intérieur :
- M. le général de division Hubert BONNEAU est nommé directeur des opérations et de l’emploi de la gendarmerie nationale et est élevé aux rang et appellation de général de corps d’armée, à compter du 3 avril 2020.
Sur proposition du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation :
- Mme Isabelle CHMITELIN, inspectrice générale de santé publique vétérinaire de classe exceptionnelle, est nommée directrice générale de l’enseignement et de la recherche.
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