Inauguration de l’Institut de l’audition – Centre de l’Institut Pasteur

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 27/02/2020

Seul le prononcé fait foi
Monsieur le directeur général de l’Institut Pasteur,
Monsieur le président de la Fondation pour l’Audition, cher Jean-Pierre MEYERS,
Madame la présidente de l’Institut pour l’audition,
Mesdames et messieurs,
Je ne suis pas un scientifique. Ni un historien des sciences. Mais je sais une chose : que l’étude la fermentation de la bière – et du vin dans une moindre mesure – a constitué un des points de départ des découvertes et de la postérité de Louis Pasteur. Il a d’ailleurs consacré un ouvrage à cette boisson qui s’intitule très sobrement si j’ose dire, « Etudes sur la bière ». Pas sûr que les études que j’ai menées sur la bière, très empiriques, et bien-sûr avec modération, me promettent aux mêmes destinées.
Une autre chose que j’apprécie, c’est la lecture d’anciens discours. En prévision de ma venue ici, j’ai donc lu le discours que Louis Pasteur a prononcé le 27 avril 1882 lors de sa réception à l’Académie Française. Tout en rendant hommage à son prédécesseur – Emile Littré – Pasteur y développe un certain nombre de réflexions sur la recherche. Dont celle-ci : « L’expérimentateur – écrit-il – (…) se trouve sans cesse aux prises avec des faits qui ne se sont pas encore manifestés et n’existent, pour la plupart, qu’en puissance de devenir dans les lois naturelles ».
Ces « faits » dont parle Pasteur, l’Institut qu’il a fondé et dirigé, en a identifié un très grand nombre : traitement contre la diphtérie, découverte du mode de transmission de la peste, mise au point de vaccins contre le tétanos, la fièvre jaune. Il y a eu également l’isolement en 1983 – on s’en souvient tous-, du VIH. Et plus récemment, il y a eu, grâce à vous madame le professeur Christine Petit, la découverte du gène GJB2 responsable, - arrêtez-moi si je me trompe – de la DFNB1, c’est-à-dire d’une pathologie de la surdité d’origine génétique. C’est pourquoi, quand on prononce le nom de Pasteur, on suscite au fond, deux types de réactions : une immense fierté pour nous, Français. Et un immense espoir : celui de voir ses équipes effectuer une de ces percées qui permet de faire reculer une maladie ou un handicap.
Aujourd’hui, il s’agit des pathologies de l’audition. Vous en avez rappelé les enjeux – médicaux, psychologiques, sociaux - et la très grande variété de causes qui expliquent son développement massif, présent et à venir. Elle peut survenir et s’aggraver avec l’âge, avec comme conséquences : l’isolement, la dépression et un sentiment de fragilité. C’est d’ailleurs pour cette raison, que la question de l’audition constitue un des sujets majeurs de la prévention de la perte d’autonomie, chantier sur lequel, vous le savez, le Gouvernement présentera une loi d’ici l’été.
Une autre cause de perte d’audition est d’écouter de la musique trop fort et trop longtemps ; j’y vois une sérieuse invitation à baisser le volume de la sono que j’ai installée dans mon bureau…Plus sérieusement, en tant que père d’adolescents, j’ai évidemment conscience du danger. J’ignore si tous les adolescents l’ont. On m’a raconté que dans la saison 5 de la série pour adolescents « SKAM », qui est disponible sur l’offre numérique de France Télévisions, un jeune garçon, Arthur, se trouve soudain atteint de surdité et doit apprendre à vivre avec ce handicap. Je n’ai pas forcément eu le temps de regarder la série. J’espère juste qu’elle permettra de sensibiliser nos enfants.
Pour le reste, je n’aurai pas la prétention de parler aussi bien que vous de ces sujets. Il y a en revanche une chose que j’ai saisie : avec l’Institut de l’audition, avec la Fondation, nous avons la chance de pouvoir bâtir une filière d’excellence dans un domaine en pleine expansion, en nous appuyant sur les travaux de Mme Petit et des équipes de chercheurs qui l’accompagnent.
Il y a un an presque jour pour jour, je m’exprimais devant des chercheurs à l’occasion du 80è anniversaire du CNRS. J’avais rappelé l’importance de la recherche dans la compétition mondiale. Son importance aussi dans la société pour relever les défis auxquels nous faisons face. Beaucoup de décisions politiques – nationales comme locales – se fondent sur des analyses scientifiques. Le savant et le politique, si chers à Max Weber, ont donc finalement, tout pour s’entendre.
D’abord, je l’ai dit, parce qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Ensuite parce que leur parole est de plus en plus mise en cause. S’agissant de la parole politique, on ne peut pas vraiment parler d’une découverte. En revanche, on le voit, on le lit, on l’entend, la science se heurte, probablement de plus en plus, à de nouvelles formes d’obscurantisme. Toute opinion se vaudrait. L’opinion scientifique serait, peut-être, respectable mais au fond elle devrait être mise sur le même plan, ou à peu près, que le ressenti, le sentiment, l’intuition ou l’argument idéologique. C’est, entre autres, pour cette raison que dès notre entrée en fonction, nous avons mené, aux côtés des scientifiques, un combat résolu en faveur de la vaccination. Un combat que nous avons mené certes pour des raisons de santé publique, mais aussi pour que la vérité scientifique l’emporte sur l’idéologie.
J’avais également insisté sur la chance que nous avions en France, de pouvoir compter à la fois sur une longue tradition scientifique et sur des filières d’excellence. Et j’avais annoncé le lancement des travaux de la loi de programmation sur la recherche dont je veux dire un mot rapide. Vous êtes des scientifiques : je m’en tiendrai aux faits :
Premier fait incontestable : la recherche française paie aujourd’hui les conséquences d’un sous-investissement chronique. La première de ces conséquences, c’est son décrochage : elle figurait au 5è rang mondial en 2000 ; au 7è rang en 2015. Et si rien n’est fait, je ne vois pas ce qui empêcherait cette tendance de s’aggraver.
Deuxième fait incontestable : la recherche a besoin de moyens. Pour rémunérer dignement ceux qui y consacrent leur vie et leur permettre de se concentrer sur le plus important : leurs recherches. La recherche française a aussi besoin de temps et de visibilité. C’est la raison pour laquelle, nous avons choisi, comme pour la Justice ou pour nos forces armées, d’avoir recours à ce qu’on appelle une « loi de programmation » qui permet de prendre des engagements, d’abord financiers, dans la durée.
Troisième fait : de grands scientifiques, des chercheurs de renom et des titulaires du Prix Nobel ont fait part, dans une tribune datée du 20 février dernier, de leur volonté de défendre le principe de cette loi de programmation. Je me réjouis de leur mobilisation. Nous partageons leur ambition.
Tout l’enjeu consiste à apporter des réponses concrètes aux préoccupations des chercheurs. Nous avons déjà pris des engagements, comme celui par exemple de ne plus embaucher à partir de 2021, de jeune chercheur en-dessous de 3 000 euros bruts. Et je veux redire ici, que le but de cette loi n’est évidemment pas de remettre en cause les statuts, mais au contraire, d’offrir du temps, des moyens et de la visibilité à nos chercheurs.
J’ai parlé du temps, forcément long, de la recherche fondamentale. Je voudrais maintenant aborder, celui plus court, de ses retombées. Pasteur, toujours dans son discours de réception, souligne que « progrès et invention sont synonymes ». Deux choses me frappent dans l’approche de l’Institut Pasteur et qui me semblent au fond, liées à cette réflexion :
La première, c’est la très forte imbrication qui existe, dès son origine, entre privé et public, entre recherche et industrie, entre ancrage français et vocation internationale.
On l’oublie parfois, mais Pasteur a fondé l’Institut en lançant une souscription mondiale. Aujourd’hui, l’Institut vit grâce à des subventions publiques certes, mais aussi grâce à des dons. Grâce à une alliance publique et privée, et j’ajouterais, populaire et mondiale. D’ailleurs, l’Institut Pasteur contribue au développement des systèmes de santé dans les pays en voie de développement, en particulier en Afrique.
Et puis, l’Institut travaille aussi bien avec des partenaires académiques – je pense au CNRS, à l’INSERM, aux universités et bien-sûr à l’AP-HP – qu’avec des entreprises comme par exemple SANOFI. A tel point que je me demande si, parmi les découvertes qu’on doit à Pasteur, on ne devrait pas ajouter ce qu’on appelle aujourd’hui le « cluster ». Cette capacité à faire travailler ensemble des compétences, des organisations et des statuts de nature différente. Une capacité que l’Institut Pasteur démontre encore aujourd’hui avec l’Institut de l’audition et qui constitue une des meilleures manières d’accélérer l’innovation.
La seconde chose qui me frappe, c’est la volonté de Pasteur d’allier recherche et santé publique.
Une des missions de l’Institut Pasteur a été, dès le départ, de diffuser le vaccin contre la rage. De chercher certes, mais aussi de diffuser le plus rapidement possible le bénéfice d’une découverte pour protéger les populations. Cette ambition fait partie si j’ose dire, de votre ADN.
On l’a encore vu très récemment lors de l’apparition du coronavirus. L’Institut Pasteur a, très vite, mis au point le test de dépistage pour la France. Il a également réalisé le séquençage complet du génome du virus dès le mois de janvier. Une équipe dédiée travaille d’arrache-pied pour améliorer notre connaissance du virus et développer un vaccin. Je veux l’assurer de la très grande confiance des pouvoirs publics et des Français.
Créer des applications industrielles, thérapeutiques, c’est bien. Faire en sorte que chacun puisse y avoir accès, c’est mieux. C’est évidemment vrai pour les traitements lourds. Mais c’est aussi vrai pour un certain nombre d’appareillages qui, contrairement à ce qu’on croit parfois, ne relèvent pas du confort, mais d’une nécessité thérapeutique. C’est là que les pouvoirs publics entrent en action. Nous avons fait de cette question un des axes forts de notre politique de santé. Permettez-moi, comme nous évoquons la question de l’audition, de dire un mot des prothèses auditives. Une fois de plus, je m’en tiendrai aux faits :
A l’heure actuelle, seuls 35% des Français qui souffrent d’une déficience auditive, bénéficient d’un appareil. Ce taux est inférieur à celui qu’on constate chez nos voisins européens. On estimait qu’en 2017, après remboursement de l’Assurance maladie, le reste à charge s’élevait à 850 euros par oreille, ce qui constituait un vrai obstacle pour les patients les plus modestes.
Depuis sa mise en œuvre, la réforme « 100% santé » a déjà permis de réduire le reste à charge de 450 euros par oreille. Dès 2021, ce reste à charge sera de zéro. Je note que dans une étude récente, l’association UFC-Que choisir a estimé que les prothèses qui sont éligibles à ce dispositif, ont démontré, je cite « une qualité équivalente aux modèles les plus chers ». Qualité et solidarité sont donc au rendez-vous.
Tout cela peut sembler anecdotique. C’est en réalité, quelque chose de capital. Parce que c’est le fruit de votre travail qui, comme la science, ne doit pas être réservé à quelques-uns, mais doit bénéficier à tous. Et nous appliquons les mêmes exigences de coût et de qualité, pour les lunettes ou prothèses dentaires que nous prenons en charge à 100%.
« La grandeur des actions humaines –conclut Pasteur – se mesure à l’inspiration qui les fait naître ». Dans la création de l’Institut de l’audition, je vois un certain nombre de très belles inspirations : l’intelligence collective, la ténacité, l’espoir et bien-sûr, la générosité. Des inspirations qui se traduiront dans quelques années, par des actions vraiment grandes. Celles qui consistent à guérir ou à aider des centaines de millions de patients ; à faire reculer la souffrance, l’isolement grâce au progrès humain. L’idée qui est de changer en mieux la vie de nos concitoyens, est une idée qui mérite que l’on se batte pour elle.
A tous, merci.

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