Grenelle du droit II
Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.
Publié le 16/11/2018
Grenelle du droit II
Palais Brongniart
Vendredi 16 novembre 2018
Monsieur le président du tribunal de commerce de Paris,
Madame le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris,
Monsieur le président de la Chambre des notaires de Paris,
Monsieur le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris,
Monsieur le président de la Conférence générale des juges consulaires de France,
Monsieur Bernard Cazeneuve,
Mesdames, messieurs,
Le droit comme vecteur d’influence, de compétitivité et d’attractivité :
Les systèmes juridiques sont donc désormais en concurrence. Et nous n’avons pas toujours été dans ce domaine, totalement à la hauteur de nos ambitions. Notre pays est loin de figurer en tête des classements internationaux. Ces classements, ils valent ce qu’ils valent. Mais ils sont regardés, parfois de près, alors nous devons en tenir compte.
D’où la nécessité, non de « détricoter » nos règles, encore moins d’en revoir l’ambition, mais de les adapter à cet univers concurrentiel. D’en conserver la singularité, tout en leur redonnant clarté, simplicité et pourquoi pas, un peu de souplesse.
C’est l’engagement du président de la République de mettre un terme à la « sur-transposition » ou « à l’excès de zèle communautaire ». Durant quelques années, les pouvoirs publics ont eu la « main lourde » quand il s’agissait de transposer. Maintenant, on se contente de respecter nos engagements, ce qui est déjà très bien.
Le premier, c’est la création de chambres internationales au tribunal de commerce et à la Cour d’appel de Paris. Vous l’aviez évoquée il y a an dans cette enceinte. J’ai eu le plaisir d’annoncer cette création lors du Sommet « Choose France » à Versailles. Nous avons désormais, sur l’île de la cité, des juges qui pratiquent la langue de Shakespeare et la common law.
Deuxième exemple d’adaptation : la juridiction unifiée du brevet ou « JUB ». Tout est désormais en place pour que, dès l’entrée en vigueur de l’accord de 2012, la section parisienne de la « JUB » ouvre ses portes.
Enfin, le projet de loi justice permettra un traitement plus rapide des « petits » litiges. Il ne s’agit pas de litiges de moindre importance. Bien souvent, ce sont des questions de vie ou de mort pour des millions de PME. Raison de plus pour y apporter une réponse claire et rapide. Ces outils, je pense en particulier aux procédures judiciaires dématérialisées, au développement des modes alternatifs de règlements des litiges - sont de nature à fluidifier le fonctionnement de la Justice. Par ailleurs, le projet de loi encourage la spécialisation des juridictions qui est une manière d’apporter des réponses rapides et qualitatives à des contentieux souvent très complexes.
Les métiers du droit ne sont pas des métiers tout à fait comme les autres. D’abord, ils sont souvent réglementés. Ils obéissent à des règles de déontologie strictes qu’il convient absolument de préserver parce qu’elles fondent la confiance des citoyens. C’est vrai pour les auxiliaires de justice. Vrai aussi pour les officiers publics ministériels, que l’Etat dote de prérogatives de puissance publique.
J’ignore si un jour, les « machines » et l’intelligence artificielle remplaceront les juristes. J’en doute. Parce que le droit, c’est certes de la technique, mais c’est surtout de l’humain. Parce que le professionnel ne fait pas qu’appliquer du droit, il l’interprète, ce qui est un peu différent. Il y a une formule de Montesquieu qui dit je crois que « le juge est la bouche de la loi ». C’est vrai, bien sûr. Mais il n’est pas le seul et le droit est une activité pour le moins « polyphonique ».
Le professionnel interprète le droit. Mais, on le sait, il fait encore plus que l’interpréter : il « joue » avec, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur le droit, ses règles, ses contraintes, pour concevoir des « stratégies juridiques ». Et c’est un peu ça qui nous passionne tous. Cette incroyable plasticité de notions qui ne sont rigides qu’en apparence. Cet espace de liberté qui existe dans les interstices. Et je pense que votre valeur ajoutée se trouve justement là. C’est vrai pour l’avocat, le notaire, l’huissier. C’est aussi vrai pour le juge. Et c’est pour faire une place toujours plus grande à cette dimension de vos métiers, que nous avons poursuivi le mouvement de déjudiciarisation pour les affaires dans lesquelles, on ne fait qu’appliquer des règles de manière plus ou moins automatique.
D’abord, en intégrant le numérique à leurs métiers. Ça ne veut pas dire que tout doit reposer là-dessus. Mais qu’il convient de piocher dans une gamme très étendue d’outils, tout ce qui peut vous être utile dans votre relation avec vos clients ou avec les usagers. On m’a fait part de beaucoup d’initiatives. Je pense à l’incubateur du barreau de Paris, à la plateforme de médiation des huissiers de justice, au « tribunal digital » sur lequel travaillent les greffiers des tribunaux de commerce. Je pourrais également citer pour ne pas faire de jaloux : les plateformes de déclarations de créance chez les administrateurs et mandataires judiciaires, l’acte authentique électronique notarié, ainsi que les initiatives que l’on voit fleurir dans la legaltech qui permettent, par exemple, de créer sa société en quelques clics et à peine 200€. Bref, on peut être un excellent juriste et un geek.
Rien n’interdit d’allonger un peu le tablier de ces « ponts » ou de ces « passerelles » pour réunir, dans des structures communes, des professionnels du droit et du chiffre, mais aussi, en fonction des spécialités, des médecins, des architectes, des informaticiens. Comme le dit Victor Hugo : la superposition du droit et de la vie est étroite. Or, toute activité a aujourd’hui toujours plus ou moins une nature transversale. D’où la nécessité pour vous, comme pour beaucoup d’autres professions, d’acquérir et de faire appel aux compétences dont vous avez besoin pour exercer vos métiers. Pour le prolonger et le compléter.
Dernière passerelle à consolider : celle qui existe entre l’exercice libéral et l’entreprise, voire entre vos professions elles-mêmes. On le sait : la mobilité professionnelle est aujourd’hui un des éléments d’attractivité des filières. En tous cas pour celles et ceux qui, tout en aimant un secteur, une matière, ne se voient pas forcément exercer le même métier toute leur vie. Et je ne sais pas pour vous, mais j’ai le sentiment qu’ils sont de plus en plus nombreux dans ce cas. Raison de plus donc pour leur offrir un maximum de perspectives d’évolutions.
Quand je dis « vous », je parle à chacun d’entre vous. Mais ce « vous » englobe bien sûr les instances professionnelles qui ont justement pour mission, de concilier la tradition, le respect des usages et de la déontologie, avec le développement de ces aspirations et de ces besoins. Au fond, c’est le but de toute transformation et dans ce domaine, je commence à cumuler une certaine expérience. En tous cas, je sais qu’il est possible à la fois d’engager de profonds changements, tout en demeurant fidèles à nos valeurs.
J’y ai surtout vu la force de l’équilibre, de la sagesse et de la précision qui innerve notre droit depuis…la nuit des temps. Un droit auquel chaque génération a apporté ses ajustements, ses codes. Parce que le droit est un « univers en perpétuelle expansion ».
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