Compte rendu du Conseil des ministres du 15 février 2023
Olivier VÉRAN
Ouvrir ce compte-rendu du
Conseil des ministres en célébrant avec vous une excellente nouvelle : le
chômage continue de baisser pour toutes les catégories. Il atteint son niveau
le plus bas depuis la crise économique de 2008. Il atteint même chez les jeunes
son niveau le plus bas depuis ma propre naissance, c’est dire.
Souvenez-vous de
cette maudite courbe du chômage que nos prédécesseurs rêvaient d’inverser,
qu'il semble loin le temps du pessimisme. En 2017, nous étions élus pour lutter
contre le chômage de masse. Désormais, nous tutoyons le plein emploi malgré la
crise de l'inflation, malgré la pandémie, malgré la guerre aux portes de
l'Europe. Je voudrais vous dire que cela ne doit rien au hasard et tout tient à
la politique conduite depuis plus de 5 ans dans notre pays. Bien sûr, la
réforme du marché du travail, mais aussi la baisse du coût du travail, de
manière à l'aligner sur la moyenne de la zone euro. Nous nous y étions engagés.
Des oppositions à gauche disaient alors que ça ne fonctionnerait pas. Nous
l'avons fait, cela a marché et les mêmes oppositions aujourd'hui voudraient que
nous revenions en arrière en taxant davantage le travail, nous ne le ferons
pas. Investissements massifs dans la connaissance, dans la recherche, dans
l'innovation. Je pense au plan d'investissement européen, merci l'Europe, à
France 2030, à la loi de programmation de la recherche.
Nous créons des emplois
et des emplois d'avenir, notamment dans le domaine de la croissance verte.
C'est aussi la réindustrialisation de la France, notamment dans les secteurs
stratégiques. Nous sommes redevenus et restons le pays le plus attractif
d'Europe, et bien sûr, l'adaptation de la formation aux métiers de demain
aussi, la multiplication de l'apprentissage et bientôt la réforme du RSA, du lycée
professionnel, la création de France Travail et la pleine application de la
réforme de l'assurance chômage.
Alors, doit-on s'étonner que ce qui était hier
une priorité pour la nation, le plein emploi, le travail, soit désormais
dénigré, voire raillé par des partisans du droit à la paresse ? Qu’est devenue
la boussole de cette gauche qui renie ses racines, revisite l'histoire de notre
modèle social, de notre modèle collectif ? Bien sûr, le travail n'est pas le
corollaire du bonheur, mais c'est la clé de nos réussites collectives, de notre
souveraineté nationale, européenne, c'est le moyen pour financer nos services
publics, pour faire tourner notre économie. Bien sûr, le travail n'est pas une
fin en soi, je le garde bien à l'esprit, c'est un moyen pour gagner sa vie.
Les
Français travaillent pour vivre et non l'inverse. Notre objectif de plein
emploi ne se conjugue donc pas au singulier, nous visons le plein emploi et
nous visons le bon emploi. Des métiers dignes pour chacun, valorisés à la
hauteur de leur utilité pour la société et de la difficulté pour ceux qui s'y
sont formés et qui les exercent, adaptés aux nouveaux modes de vie, aux
nouvelles aspirations de la société post-Covid.
Cette recherche du bon emploi,
elle nous invite collectivement à nous interroger et construire la place
qu'occupe le travail dans la vie des Français. Comment mieux l'aménager pour en
réduire les contraintes communautaires ? Comment mieux répartir la valeur entre
les salariés qui travaillent dans une entreprise florissante ? Ce chantier,
nous l'assumons, nous le portons avec les syndicats, avec les employeurs, nous
croyons au dialogue social. On travaillera mieux demain qu'hier, c'est une
priorité. Lorsqu'on parle d'emploi, on parle aussi bien sûr de retraite, l'un
ne va pas sans l'autre.
Comme l'a rappelé et continue de le faire la Première
ministre, nous appelons, nous invitons, au débat démocratique, ni invective, ni
agression, ni obstruction. L’heure est au débat, l’heure est au dialogue,
l’heure est à la démocratie. Nous voulons que ce projet de loi vive à travers
le vote républicain, pas dans le brouhaha qui ne grandit personne mais bien au
contraire abaisse tout le monde. Comme sur chaque texte, depuis la réélection
d’Emmanuel MACRON, nous voulons bâtir des majorités.
Sur ce texte comme les
autres, nous croyons en la possibilité de cette majorité. Elle s’est d’ailleurs
déjà démontré avec un vote qui supprime les régimes spéciaux. Celles et ceux
qui obstruent ne veulent pas laisser fonder cette majorité. Ils ne veulent pas la
laisser exister et par là même donner à voir que les élus de la nation en
majorité, consentiraient à voter en faveur de ce texte. L'obstruction, c'est un
déni de démocratie. Alors, qui a peur du débat ? Pas le Gouvernement, ni les
députés de la majorité présidentielle. Nous, nous voulons aller au vote. Nous
voulons que les députés puissent faire un choix en votant sur l'ensemble des
articles de notre projet de loi. Ceux qui veulent l'empêcher auraient-ils peur
qu'une majorité de députés fasse le choix du travail plutôt que celui des
impôts ou de la dette ? Fidèles à notre méthode et aux engagements pris devant
les Français, nous continuons de faire évoluer notre projet de loi à l'écoute,
d’ailleurs, des Français, des partenaires sociaux, des parlementaires, de la
majorité et des oppositions.
Hier, la Première ministre a fait une nouvelle
annonce importante pour permettre à ceux qui ont commencé plus tôt de pouvoir
partir plus tôt. Avant la réforme, les très jeunes travailleurs devaient - et
c'est le cas encore aujourd'hui - cotiser jusqu'à 45 années. Avec notre
réforme, ce sera terminé. En toute logique, ces nouvelles annonces devraient
rassembler une large majorité de parlementaires.
Mais parfois, le chemin
parlementaire est un peu plus sinueux. Avec, pour exemple, et alors que depuis
des semaines, nous mettons la lumière sur l'enjeu majeur qu'est la place des
seniors dans nos entreprises, une majorité de circonstance s'est dessinée hier
soir tard dans l'hémicycle pour rejeter l'article 2 du projet de loi qui crée
un index seniors qui valorise l'emploi des seniors, qui porte un coup aux
velléités des entreprises de se séparer trop facilement des seniors. Je le dis,
ce vote n'est pas compréhensible. Il est davantage politique et il démontre que
l'objectif des oppositions NUPES et RN n'est pas de faire battre le chômage et
les injustices, mais de faire battre le Gouvernement. Revoyez ces députés du RN
ou de la NUPES appeler la main sur le cœur à faire plus pour les seniors. Cette
nuit, c'est main dans la main qu'ils ont détruit un dispositif qui vise à
réduire les inégalités et les injustices. Le Gouvernement souhaite que cet
article puisse être restauré lors de l'examen du texte au Sénat.
J'en viens
maintenant aux textes qui ont été présentés au cours de ce Conseil des
ministres. La ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a présenté un
projet de loi qui autorise l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le gouvernement de la principauté d'Andorre
concernant l'amélioration de la résilience climatique et de la viabilité de
routes nationales liées aux risques naturels entre Prades et la frontière
franco-andorrane.
Le ministre de l'Éducation nationale de la Jeunesse et la
ministre de la Culture ont présenté une communication relative au déploiement
du « Pass culture » et je vois beaucoup de jeunes dans la salle qui doivent savoir
de quoi je parle, mais aussi du développement de la politique d'éducation
artistique et culturelle. C'est un outil précieux d'émancipation et de lutte contre
les inégalités à la racine, que cette éducation artistique et culturelle, qu’on
appelle aussi EAC, et qui était une promesse de campagne de 2017 du candidat
MACRON.
Depuis, l’EAC est devenue une politique prioritaire du Gouvernement.
Depuis 2017, elle s’est traduite, en actes, avec la mise en place d’un quart
d’heure de lecture à l’école, un temps précieux, quand nos enfants ont souvent
remplacé le livre au profit de l’écran. 2,5 millions de collégiens, d'écoliers,
de lycéens, d’apprentis sont allés au cinéma chaque année. Ou encore, je pense
à la valorisation du patrimoine de proximité avec le programme « Levez les yeux
! ».
Au total, 76 % des élèves ont bénéficié au moins d’une action EAC en 2022.
Nous poursuivrons les efforts pour que d'ici 3 ans, ils soient 90 % à recevoir
cet enseignement artistique et culturel. Dans le même temps, je le disais, nous
avons déployé le passe culture, une petite révolution qui fait des presque 3
millions de bénéficiaires des acteurs de premier plan de la culture. À partir
de 15 ans, ils décident, ils choisissent. L'expérience culturelle n'est plus
passive ou subie, elle devient une aventure. Chacun peut ainsi affiner ses
goûts, partir à la découverte, se perdre dans un roman ou dévorer un manga, à
sa guise. Ce qui est devenu un beau succès était un grand pari qui a trouvé son
public. Nous en sommes fiers. Et à la demande du président de la République, ce
dispositif de « Pass culture » sera étendu prochainement aux jeunes Français
résidant à l'étranger.
Je vous remercie et je suis à votre disposition si
jamais vous aviez des questions.
Mathieu COACHE
Bonjour. Mathieu COACHE
BFMTV. Une question sur les carrières longues et sur l'amendement hier proposé
par la Première ministre. Est-ce que vous confirmez, donc, que ceux qui commencent
à 17 ans travailleront 43 ans, mais en revanche ceux qui commencent à 16 ans ou
18 ans, eux, cotiseront 44 ans. Et pourquoi cette différence du coup ?
Olivier VÉRAN
Il faut savoir que dans
notre système de retraite, depuis près de 20 ans, il y a différents paliers
d'âge légal. Ça fonctionne par paliers. Il y a l'âge légal dont tout le monde
parle, qui est l'âge de 64 ans. Il y a l'âge légal qui permet à ceux qui ont
commencé plus tôt de partir plus tôt. Ça fonctionne par palier. À l'heure à
laquelle je vous parle, et avant la réforme, il y a des jeunes qui ont pu
commencer tôt et qui peuvent être amenés à cotiser jusqu'à 45 années pour
atteindre leur palier d'âge légal. Avec notre réforme, ces jeunes qui ont
commencé plus tôt pourront partir plus tôt, parfois même plus tôt qu'avant la
réforme. D’accord ? C'est donc plus tôt… C'est quelque chose qui est favorable
à ces jeunes qui ont commencé à travailler tôt. Ce que la Première ministre a
annoncé, c'est que lorsque le palier d'âge légal pour des gens qui ont commencé
tôt est atteint, on ne leur demandera pas d'avoir travaillé davantage que 43
années. Prenez par exemple un jeune qui a commencé à seize ans — c'est un des
exemples que vous avez pris — et qui aurait une année où il n'aurait pas
travaillé parce qu'il aurait fait complètement autre chose, eh bien arrivé à 60
ans, c'est-à-dire à son âge légal, il n'aurait que 43 années de cotisation, eh
bien il pourrait partir à la retraite à cet âge légal de 60 ans.
Simon LE BARON
Bonjour Monsieur le Ministre.
Simon LE BARON pour Franceinter. Vous avez évoqué le chantier du bon emploi que
vous souhaitez lancer après cette réforme des retraites. Est-ce que vous
comprenez que pour beaucoup de Français qui manifestent, qu’il soit difficile à
comprendre justement, que vous leur demandiez en priorité de travailler plus
avant même de lancer ce chantier contre la souffrance au travail ?
Olivier VÉRAN
Je comprends votre
question. En réalité, je ne sais pas si c’est un chantier, mais la grande
réflexion autour de : comment travailler dans une France post Covid, dans un
monde post Covid, puisque ceux qui traversent la France traversent la planète.
Ça a été initié. Alors il y a les Assises nationales du travail qui ont été
initiées à la demande des syndicats, des salariés qui ont démarré au mois de
décembre et qui permettent de mettre un certain nombre de données, de partager
certaines valeurs pour pouvoir ensuite décider d'une orientation. Nous voulons
donner plus de visibilité à ces travaux et nous voulons effectivement assurer
les Français que nous comprenons que parmi les demandes de celles et ceux qui
manifestent, mais aussi de ceux qui ne manifestent pas, d'ailleurs, il y a le
fait qu'il y ait une meilleure prise en compte du fait que l'aménagement entre
la vie professionnelle et la vie personnelle est une priorité. Nous comprenons
que des Français qui sont obligés de faire 40 ou 45 minutes de voiture ou de
métro, parfois dans des conditions difficiles, aient envie d'avoir une
adaptation de leur vie professionnelle. Nous comprenons et ça a été, nous
l'avons vu avec le Covid, que le télétravail est une modalité assez nouvelle
d'exercer une partie de son activité professionnelle qui doit être valorisée.
Ça tombe bien, puisque dans les objectifs qui sont les nôtres de neutralité
carbone, nous avons celui que 10 millions de Français puissent faire deux jours
de télétravail par semaine, nous n'y sommes pas encore, donc, il faut pouvoir
l'accompagner. Et vous avez aussi des salariés qui travaillent dans des usines,
dans des entreprises où leurs postes ne sont pas télétravaillables. Et eux,
pour certains d'entre eux, souhaitent pouvoir demain aménager leur vie
professionnelle, peut-être concentrer leur temps de travail sur moins de jours,
dans la semaine, etc. C'est une aspiration que nous entendons. Je le redis,
elle n'est pas franco française, elle est européenne et aux États-Unis, c'est
la même chose. Et donc il faut pouvoir envisager tous ces aspects : le
transport pour aller au travail. Est-ce qu'il y a des questions d'aménagement
du territoire ? Est-ce qu’il n'est peut-être pas tant d'accompagner les
entreprises pour qu'elles puissent ouvrir des centres de télétravail, par
exemple à proximité des habitations, plutôt que dans les cœurs des grands
centres villes. C'est tout cela que nous voulons travailler aux côtés des
Français, des partenaires sociaux. C'est une réflexion qui ne se fait pas, qui
ne se solde pas, en quelques jours ou quelques semaines. Donc, la réforme des
retraites n'est pas antinomique. Elle vient compléter le dispositif général du
plein emploi et du bon emploi dont j'ai parlé dans l'introduction de ma
conférence de presse.
Simon LE BARON
J'ai une deuxième
question, j'en profite. Vous avez évoqué le rejet de l'article deux,
c'est-à-dire l'index seniors cette nuit à l'Assemblée nationale et vous avez
fustigé les votes de la NUPES et du RN. Pourquoi vous épargnez LR qui a voté
contre également ?
Olivier VÉRAN
Alors, dans la situation
de LR, ce que je comprends, c'est que nous avons étendu, par amendement, le
dispositif de l'index senior aux entreprises de 50 salariés et plus, alors
qu'initialement le dispositif était réservé aux entreprises de 300 salariés et
plus. Et les LR avaient clairement indiqué leur désaccord avec le fait de
contraindre des entreprises de plus petite taille de mettre en place cet index
senior. Un désaccord que nous avons assumé puisque la majorité des
parlementaires ont voté. Donc, les LR étaient plutôt sur une ligne de l'index
senior, pourquoi pas, mais pas à des entreprises de taille plus petite. C'est
différent de l'état d'esprit des députés RN ou NUPES qui n'ont eu de cesse que
d'expliquer que nous ne faisions rien pour l’emploi des séniors, que c'était
une honte. Et quand ils ont eu l’occasion de voter à dispositif que certains donc
dans l’hémicycle trouvent trop contraignant, ont voté contre, sans proposer
aucune alternative.
Simon LE BARON
Peut-être une question
justement sur ce rejet de l’article 2. Il y a eu aussi de l’absentéisme dans
vos rangs, dans la majorité, qui a entraîné ce revers. Est-ce qu’il y a eu un
problème ? Est-ce que vous avez l’intention de mobiliser vos troupes jusqu’à la
fin de la semaine ?
Olivier VÉRAN
Alors, je crois qu’il y
avait plus de 400, voire même plus de 450 députés, je ne veux pas dire de
bétise, présents dans l’hémicycle à minuit. Donc, c’est mobilisation forte de
l’ensemble des parlementaires à laquelle nous assistons. Les députés de la
majorité sont très mobilisés, dans des conditions que vous connaissez, dont
vous avez eu l’occasion de parler sur vos différentes chaînes ou dans vos
différents médias, qui sont des conditions particulièrement difficiles, faites
d’invectives, de tentions, etc. Donc, les parlementaires de la majorité sont
mobilisés. Nous voulons qu’ils restent mobilisés jusqu’à la fin de l’examen de
ce texte.
Journaliste
Bonjour Monsieur le
Ministre. (Inaudible), de CNN. Là, je pars un peu sur des sujets
internationaux. Le président de la République va recevoir, à l'Elysée,
aujourd'hui WANG YI, le chef en charge des Affaires étrangères en Chine ?
Qu'est-ce que la France a à gagner de cette rencontre ? Et vu que Monsieur WANG
a terminé son tour d'Europe en Russie, comment, selon la France, la Chine
pourrait aider à mettre fin à la guerre en Ukraine ?
Olivier VÉRAN
Merci. Oui, le président
de la République va recevoir Monsieur WANG Yi qui est le directeur du bureau de
la Commission centrale chinoise en charge des Affaires étrangères et conseiller
des affaires d'Etat au palais de l'Elysée, ce mercredi 15 février. C'est un
entretien qui s'inscrit en suivi de la rencontre du chef de l'Etat, avec le
président Xi JINPING en marge du G20 à Bali en novembre dernier. Il va
permettre de poursuivre les discussions sur la guerre en Ukraine et ses
conséquences. Donc, c'est une discussion très importante. Il sera aussi
question de la coopération avec la Chine face aux défis mondiaux, au premier
rang desquels le climat, la biodiversité, le financement des transitions dans
la perspective des futures échéances. Je pense, notamment, au One Forest Summit
qui se tiendra le premier et 2 mars prochain en Afrique, mais aussi le sommet
pour un nouveau pacte financier mondial du mois de juin prochain. Donc, un
ensemble de projets bilatéraux.
Journaliste
Merci.
Thomas DEPRET
Bonjour Monsieur le
Ministre, Thomas DEPRET, RTL. Selon un sondage BVA que nous publions ce matin,
70 % des Français estiment que la réforme des retraites n'est pas claire. Ils
étaient 67 % il y a deux semaines, 63 % mi-janvier. Ça veut dire que le
sentiment d'incompréhension progresse chez les Français. Est-ce que vous avez
le sentiment que vous avez loupé quelque chose avec cette réforme des retraites
?
Olivier VÉRAN
A l'évidence, une réforme
des retraites, la nôtre, n'échappe pas à cette règle, est toujours complexe. On
a parlé tout à l'heure de carrières longues, de carrières très longues, de
différents paliers d'âge légal. Il y a des âges légaux, il y a des durées de
cotisation, il y a des index seniors, il y a des congés de reconversion, il y a
des critères de pénibilité, il y a des accords de branche. Bref, c'est un
jargon qui peut être complexe, que je mettrais volontiers en analogie parfois
avec le jargon médical où on nous reproche souvent d'avoir des termes qui sont
complexes. Nous nous efforçons d'expliquer aux Français les grandes
orientations, à savoir le fait que nous assumons de demander de travailler
progressivement un peu plus longtemps pour équilibrer le système de retraite.
Qu’à l’inverse, nous refusons d’augmenter la dette et les impôts ou de baisser
les pensions de retraite. Nous expliquons qu’il y a des mesures de justice, on
en a parlé là pour les carrières longues, pour ceux qui ont commencé tôt, des
mesures de justice pour les seniors dans l’entreprise. Nous rendons absolument
tout en transparence disponible, que ce soit le texte de loi ou les études
d’instituts indépendants autour de ce texte de loi. Et puis, il y a le débat parlementaire
qui parfois permet d’éclairer certains aspects, parfois embrouille puisque ce
débat est tendu, il ne permet peut-être pas non plus d’avoir l’éclairage
nécessaire. Donc, c’est une réforme qui est complexe et pour autant, c’est une
réforme fondamentale pour les Français et pour l’avenir de notre pays, donc,
nous efforçons de communiquer et d’écouter et d’être dans le dialogue
permanent.
Journaliste
Mais cette
incompréhension, elle est parfois nourrie, y compris par les équipes
gouvernementales. Quand, hier, la Première ministre fait des annonces à
l'Assemblée nationale, il faut parfois attendre 2 ou 3, 4 heures avant d'avoir
des explications claires des cabinets. Comment expliquer ça ? Ça veut dire que
vous faites ça à la va vite parfois ?
Olivier VÉRAN
Non. Ce n'est pas fait à
la va vite, clairement non. Nous nous adaptons, nous faisons évoluer le texte,
nous écoutons. Alors, c'est peut-être inhabituel, mais c'est vrai que c'est
plutôt inhabituel d'avoir initialement un projet, qui est porté pendant la
campagne, qui est modifié à l'écoute d'abord des partenaires sociaux, qui est
ensuite modifié et amélioré à l'écoute des groupes politiques et qui est
maintenant modifié et amélioré à l'écoute des parlementaires. Mais notez, par
exemple, que s'il n'y avait pas d'obstructions, et si nous étions sûr et
certain que l'examen du texte pourrait se faire de manière pleine et entière au
Parlement, nous n'aurions pas à faire des annonces ou à modifier nous-mêmes le
texte avant d'arriver à l'article qui est concerné. Et donc, c'est dans ce
débat parlementaire que l'amendement gouvernemental serait porté. Or, là, nous
voulons améliorer le texte et comme les députés de la NUPES aujourd'hui ne nous
donnent pas la possibilité d'aller au bout de l'examen de ce texte, nous
anticipons. Et donc, c'est cette évolution que vous… dont vous dites qu’elles
sont compliquées et je veux bien le croire et j'en suis désolé, mais qui sont
nécessaires parce qu'elles vont dans le bon sens.
Francesco FONTEMAGGI
Bonjour Monsieur le
ministre, Francesco FONTEMAGGI, de l’AFP. En parlant de complexité, on voit
bien que vous ne pouvez pas vous engager à dire que personne ne travaillera
après la réforme, plus de 43 ans, personne ne cotisera plus de 43 ans. C'est
pourtant ce que demande une partie des LR, notamment, qui sont encore réticents
à voter le texte. Pourquoi vous ne pouvez pas faire un amendement tout
simplement qui s'engage à dire : personne ne cotisera plus de 43 annuités ? Et
la question annexe, c'est : est-ce que vous pouvez nous chiffrer le surcoût de
l'amendement qui a été annoncé hier par la Première ministre ? Merci.
Olivier VÉRAN
Oui. D'abord,
l'amendement auquel vous faites allusion, l'amendement du député LR PRADIÉ,
c’est un amendement à 10 milliards. Je vous rappelle qu'on réforme les
retraites pour l’équilibrer. Aujourd'hui, sur 18 milliards de recettes
supplémentaires par an attendues, nous en dépensons 6 dans des mesures de
justice, comme pour les personnes en invalidité, en handicap, pour les carrières
longues, etc. Les dispositifs pour les familles et les femmes, donc c'est déjà
un effort qui est fait, qui excède les efforts des réformes précédentes.
Imaginez bien que si on disait que maintenant on va se priver de 10 milliards
supplémentaires, c'est-à-dire autant ne pas faire de réformes, en tout cas, si
c'est dans le but d'équilibrer le système des retraites. Donc, ce n’est pas un
amendement raisonnable. Et je le dis et je fais la différence entre cet
amendement-là et d'autres amendements portés par des députés de la majorité ou
de l'opposition LR pour lesquels nous avons donné des avis favorables parce
qu’ils ne déséquilibraient pas le système des retraites. Ensuite, si nous ne
faisions pas de réforme, si nous ne faisions pas cette réforme des retraites,
demain, comme hier, comme aujourd'hui, il y aurait des Français qui seraient
amenés à avoir jusqu'à 45 années de cotisation. C'est un dispositif qui existe
depuis des années. Et donc, à l'heure où nous sommes en train de réduire cet
écart, et nous le réduisons même énormément, se pose la question de savoir
pourquoi est-ce qu'il y aurait un écart. Je vous le redis, les gens qui ont
commencé tôt pourront partir plus tôt, mais les gens qui peuvent partir plus
tôt, voire 4 ans avant l'ensemble des Français peuvent être amenés à cotiser
quelques mois de plus. Par ailleurs, sachez qu'il y a beaucoup de nos
compatriotes qui, de fait, font le choix de cotiser plus de 43 ans pour avoir
une meilleure pension de retraite. Aujourd'hui, l'âge légal est de 62 ans, mais
dans la pratique, l'âge de départ constaté est supérieur à 63 ans. Donc dire «
personne ne travaille au-delà de 43 ans », ça serait aussi dire à des Français
qui font le choix de travailler plus longtemps pour avoir une meilleure pension
de retraite, parce que s'ils cotisent plus longtemps, ils renforcent, ils ont
une surcote sur leur pension de retraite, qu'ils ne pourraient plus le faire.
Sur votre deuxième question, le coût de l'ensemble des mesures sur les
dispositifs de carrière longue présentés par la Première ministre est évalué à
environ 700 millions d'euros par an. Et donc, je peux vous le dire, ça ne remet
pas du tout en question l'objectif d'équilibrer le système des retraites d'ici
à 2030, puisque nous avons d'ores et déjà identifié des nouvelles recettes. Il
y en a une, dont je vous parle bien volontiers, qui est le dispositif annoncé
par la Première ministre, qui vise à pénaliser les entreprises qui licencient
trop facilement des seniors dans l'entreprise. Rien que cette mesure-là, elle comble
déjà une partie des annonces qui ont été faites.
Francesco FONTEMAGGI
Sauf erreur, les
précédentes annonces de la Première ministre sur les carrières longues
coûtaient déjà 600 millions, donc, ça veut dire que l'amendement d'hier, c'est
100 millions supplémentaires ?
Olivier VÉRAN
Ça veut dire qu'avec
l'analyse par Bercy, le ministère du Travail, l'ensemble des dispositifs sur
les carrières longues est évalué à environ 700 millions d'euros. Donc, je vous
le redis, l'objectif de l'équilibre à 2030 sera tenu.
Marie CHANTRAIT
Bonjour Monsieur le
Ministre. Marie CHANTRAIT pour TF1 et LCI. Selon plusieurs de nos confrères,
Olivier DUSSOPT, le ministre du Travail, aurait une sécurité désormais
renforcée, trois agents de sécurité au lieu de un. Est-ce que c'est une
information que vous êtes en capacité de confirmer ? Et par ailleurs, est-ce
que vous constatez vous-même, ou d'autres membres du Gouvernement, que la
violence, les menaces, en corrélation avec notamment ce texte retraites, ont
augmenté ces dernières semaines ? Êtes-vous directement vous-même visé ? Est-ce
que vous avez échangé avec le ministre du Travail sur cette problématique et
sur ce sujet ? Merci beaucoup.
Olivier VÉRAN
Je ne peux pas vous
répondre factuellement pour Olivier DUSSOPT parce que je n'en sais rien. Je
peux vous dire que ça arrive. Ça peut arriver qu'un ministre, sous le feu des
projecteurs, puisse être amené à avoir une sécurité renforcée lorsqu'il fait
l'objet de menaces. Je ne sais pas si c’est le cas de mon collègue DUSSOPT,
mais je peux vous dire que ça a été mon cas pendant le Covid. Et au plus fort
de la crise Covid, pendant la campagne de vaccination, j'ai été amené à avoir
une sécurité renforcée à la demande du ministère de l'Intérieur, parce qu'il y
avait des menaces, des menaces de mort. J'ai été amené à porter plainte
plusieurs fois au pénal. Il y a eu des condamnations d'ailleurs, de la même
manière que j'avais porté plainte contre Monsieur CHALENÇON qui est je crois, a
été arrêté pour différentes menaces de mort. Parce que la République doit être
intraitable avec celles et ceux qui l’attaquent. On peut être en désaccord avec
une politique qui est menée, on peut ne pas faire confiance à ses élus ; mais
les menacer dans leur exercice, dans leurs missions, jamais. En tout cas, je
fais partie de ceux qui ne laisseront jamais passer cela.
Journaliste
Bonjour Monsieur le
ministre, Samuel (inaudible) de l’Agence Bloomberg. La Commission européenne a
rendu ses chiffres, ses prévisions pour la zone euro, lundi dernier. On échappera
apparemment à une récession. La prévision de l’inflation a également été revue
à la baisse. Est-ce que face à ce scénario, vous allez accélérer la transition
vers la fin du “quoi qu’il en coûte”, vers des mesures de soutien aux ménages
plus ciblées ? Merci.
Olivier VÉRAN
Mais à plusieurs
reprises, la Banque centrale européenne a relevé ses taux directeurs, cela a
été 25 points en février, 25 points puis 50 points en février. Elle a parlé de
relever à nouveau ses taux directeurs de 50 points en mars, je ne sais pas si
cela a été confirmé ou non, ça c’est le rôle de la BCE et certainement pas le
rôle du gouvernement français, et encore moins de son porte-parole que de
s’engager. Mais, j’ai vu qu’il y avait effectivement dans les prévisions,
étaient plutôt, portaient plutôt sur une inflation contenue aux alentours de 2%
d’ici à fin 2024 début 2025, ce qui est conforme, d’ailleurs, avec les
prévisions qui sont celles du directeur de la Banque de France.
Journaliste
Bonjour Monsieur le
ministre, (inaudible) pour la radio Fréquence protestante. Comment appréhendez
vous cette possible mise à l’arrêt du pays annoncée par les syndicats le 7 mars
prochain ?
Olivier VÉRAN
Nous ne voulons pas de
blocage. Nous ne voulons pas de blocage pour les Français et pour la France.
Les manifestations se déroulent dans de bonnes conditions de sécurité. La
France a retrouvé l’esprit de la manifestation qui se passe bien sans saccager
les centre-villes. C’est une bonne chose que nous devons au ministre de
l’Intérieur, aux préfets mobilisés, aux services d’ordre des syndicats. Bloquer
le pays, empêcher les Français d’aller travailler, d’emmener leurs enfants à
l’école ou de faire leurs courses n’est pas une modalité d’action que nous
soutenons, clairement.
Quentin CHATELIER
Bonjour, Quentin
CHATELIER, de Liaisons sociales. Je reviens sur l’index sénior. Vous avez
indiqué souhaiter qu’il soit rétabli au Sénat. Est-ce que vous souhaitez qu’il
soit rétabli dans sa version 50 salariés ou 300 salariés ?
Olivier VÉRAN
Ca, ce sera à déterminer
dans les prochains jours, je ne peux pas vous répondre précisément. Mais nous
sommes attachés à cet index sénior, parce qu’on est attaché au travail des
séniors. Et tout le débat qui a traversé la société depuis un mois est un débat
qui est positif d’ailleurs pour l’emploi, et pour l’emploi des séniors. Donc,
on ne veut pas abandonner cet outil, au contraire on veut le porter. On en est
fiers.
Quentin CHATELIER
Et je relance, est-ce que
vous êtes toujours favorable à des sanctions, des contraintes supplémentaires
pour les entreprises ?
Olivier VÉRAN
Nous sommes ouverts aux
améliorations. On a vu que, hélas, ça ne s’est pas traduit de cette manière-là,
contrairement à ce qu’on nous disait ou prédisait depuis des semaines, avec des
députés, notamment de la Nupes, qui disaient qu’on allait voir ce qu’on allait
voir et qu’ils allaient faire de cet outil un outil très fort. Et à la fin, ils
ont voté contre. Donc, on reste à l’écoute, ouverts à la fois à l’Assemblée
nationale cette semaine encore, et puis ensuite à l’écoute des sénateurs
lorsque le débat commencera là-bas. Donc, je ne veux pas préempter les débats.
Merci à tous.