Compte rendu du Conseil des ministres du 03 mai 2023
Olivier VÉRAN
Bonjour à tous,
Le
mois de mai marque la relance de l'action du Gouvernement sur
la base de la feuille de route présentée par la Première ministre.
Dans quelques minutes, le garde des Sceaux Éric DUPOND-MORETTI
vous présentera le projet qui fait suite aux Etats généraux de la justice. Et
dans les semaines qui viennent, le Conseil des ministres sera amené à adopter
chaque semaine un nouveau projet de loi dans le champ du numérique, de l’industrie
verte, de partage de la valeur ou du plein emploi.
Parallèlement, l’action du
Gouvernement ne se déploie pas uniquement par la loi, mais de manière aussi
réglementaire et au plus proche des français. Je pense aux forces actions
républicaines, aux lycées professionnels, à la planification écologique. Il en
sera question, je vais y revenir dans quelques secondes, dans le cadre du
Baromètre des pratiques des politiques publiques.
Nous sommes aujourd'hui le 3
mai et ce n'est pas seulement la date du Conseil des ministres. Non, le 3 mai
célèbre partout dans le monde la liberté de la presse. Depuis 1993, cette
journée nous rappelle combien les démocraties ont besoin de médias libres et
indépendants. Je crois que cette enceinte le montre chaque semaine. Aussi,
permettez-moi de rendre hommage à votre profession, si essentielle, et vous
dire l'honneur que vous faites à notre pays et aux Français d'être au
rendez-vous. Chaque mercredi ici, mais aussi chaque jour sur le terrain pour
partager l'information la plus juste et objective possible. En démocratie, le
partage de l'information est bien évidemment central.
Aussi fidèle à ce
principe de transparence, la Première ministre a annoncé mettre en place un
baromètre des politiques prioritaires du Gouvernement. À partir d'aujourd'hui,
chacun de nos concitoyens peut se connecter sur le site info.gouv.fr et y
suivre l'état d'avancement des quatre chantiers prioritaires de la feuille de route
présentée la semaine dernière par la Première ministre.
Il s'agit d'avoir des réformes
qui soient visibles, des transformations palpables pour les Français et qui
améliorent considérablement leur quotidien. Je voudrais vous donner quelques
exemples, plutôt que de vous présenter les projets de lois et les différentes
transformations, vous dire ce que ça peut changer concrètement dans un certain
nombre de situations.
Par exemple, si vous souhaitez rénover votre logement,
vous pourrez trouver, demain, de jeunes professionnels formés, artisans, en
nombre suffisant, et vous pourrez même acheter une pompe à chaleur produite en
France. Si vous êtes malade, vous aurez un soignant traitant à contacter si
besoin, et si vous devez aller aux urgences, eh bien, vous n'aurez pas à
ajouter à la peur de la maladie, la peur de passer des heures sur un brancard.
Si vous êtes victime d'un vol, Monsieur le garde des Sceaux, votre affaire sera
jugée plus vite ; vous ne vous sentirez pas seul, voire abandonné, comme
parfois peuvent se sentir les victimes. Et vous pourrez même, dans certaines
situations, suivre votre dossier à partir de votre smartphone. Si vous êtes
enseignant, vous serez mieux rémunéré et votre engagement au service de
l'éducation des enfants sera mieux reconnu, comme lorsque vous remplacez, par
exemple, un collègue absent. Si vous êtes salarié des classes moyennes, vous
serez assuré de gagner mieux votre vie, et de gagner mieux votre vie que si
vous étiez inactifs et viviez de prestations sociales. Si vous êtes inactif et
loin de l'emploi, vous ne serez plus seul, parfois pendant des mois, voire des
années, mais vous serez accompagné vers le retour à l'emploi. Si vous habitez à
la campagne, il y a une chance non négligeable que vous voyez apparaître, non
loin de chez vous, une caserne de gendarmerie, alors que pendant des années,
voire des décennies, ces casernes avaient disparues. Nous en créons 200
nouvelles. Votre armée sera renforcée, modernisée et nos frontières seront
mieux protégées. Bref, nous allons tout simplifier et votre vie va s'améliorer.
Ces politiques prioritaires, elles sont au nombre de 60. Elles seront
documentées le plus régulièrement possible sur le site du baromètre de l'action
politique. Je le disais, c'est une vraie rupture dans la conduite de l'action
politique, désormais bien ancrée, et c'est un baromètre territorialisé ;
c'est-à-dire, vous pourrez trouver ce qui se passe concrètement à côté de chez
vous et ce qui va changer dans votre quotidien.
Et moi, je me tiendrai à votre
disposition pour partager avec vous les différentes avancées sur ces sujets qui
tiennent à cœur aux Françaises et aux Français.
J'en reviens rapidement à une
partie des textes présentés ce jour en Conseil des ministres, puisque pour
l'essentiel, ce sera le garde des Sceaux qui présentera le texte principal.
La
ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a présenté un projet de loi qui
autorise l'approbation de l'avenant entre la France et le Luxembourg au
protocole d'accord relatif au renforcement de la coopération en matière de
transports transfrontaliers et à la Convention relative au financement des
aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les
mobilités durables. Il est notamment question de l'axe
Metz-Thionville-Luxembourg qui voit le passage, quand même, de 65 à 80 000
véhicules chaque jour sur la seule autoroute A3. Et donc ce texte qui va
favoriser les déplacements des travailleurs transfrontaliers et promouvoir une
mobilité plus durable.
Je prends vos questions, si vous en êtes d'accord, sauf
sur ce qui concernera le projet qui sera présenté par le garde des Sceaux, et
ensuite je laisserai la place. Il présentera son projet et répondra à son tour
aux seules questions relatives à son projet.
Bastien AUGEY
Bonjour Bastien AUGEY
pour TF1-LCI. Une question pour vous Monsieur VÉRAN, mais au sujet de la
proposition de Monsieur le garde des Sceaux, ici présent, qui propose ce matin
une nouvelle loi anti-casseurs, est-ce qu'un tel projet fait partie des
priorités du Gouvernement pour les mois qui viennent ?
Olivier VÉRAN
D'abord, peut-être un
élément de contexte. De quoi parle-t-on ? On parle du fait qu'à côté de
manifestants qui viennent librement manifester, c’est un droit constitutionnel
et nous y tenons, et les Français y tiennent et ils ont raison. On parle du
fait qu’il y a un certain nombre de personnes, parfois des habitués de ces
manifestations qui ne viennent pas pour revendiquer, qui ne viennent pas pour
contester, mais qui viennent pour casser, et désormais même pour tuer. Il y
avait des gens dans les cortèges, certaines personnes sont venues dans les
cortèges du 1er mai, non pas pour manifester, mais pour tuer des policiers. Et
chacun garde en mémoire cette image du CRS qui a reçu un cocktail molotov qui
était en feu, il est aujourd’hui hospitalisé. Nos pensées vont évidemment vers
lui. Et donc, il y a une double obligation. 1) l’obligation de garantir la
sécurité de celles et ceux qui manifestent et l’obligation de faire en sorte
que ceux qui sont là pour tuer et pour casser soient mis hors d'état de nuire
et qu'ils ne puissent pas participer à ces événements, parce qu'on voit que
c'est bien trop grave et que ça remet même en cause la sécurité, encore une
fois, des manifestations dans un pays. Donc, est-ce que l'arsenal législatif,
est-ce que la loi aujourd'hui permet de le faire ? Je rappelle qu'en 2019, on a
adopté un texte important qui a permis d'avoir des améliorations. On n'était
pas allés complètement au bout, il y avait d'autres discussions qui étaient en
cours. Est-ce qu'il faut rouvrir ce dossier ? En tout cas, le ministre de
l'Intérieur et le garde des Sceaux ont annoncé qu'ils voulaient y travailler
ensemble, d'ici la fin de semaine, pour voir s'il y a lieu ou non de changer la
loi. À ce stade — je parle en tant que porte-parole — je n'ai pas encore de
réponse ferme à vous apporter sur le fait de savoir s'il faut une loi ou non.
En tout cas… Mais il y a une chose qui est sûre, c'est qu'on doit faire en
sorte d'améliorer la situation. C'est insupportable pour nos concitoyens de
voir ces casseurs par centaines, par milliers, qui sont casqués, armés de barres
de fer, de cocktails Molotov, qui circulent sur les places parisiennes ou dans
les autres grandes villes, encore une fois, pour casser et pour tuer, c'est
insupportable, il faut y apporter une réponse.
Bastien AUGEY
On se souvient que le
Conseil constitutionnel avait censuré l'article qui prévoyait de… qui
permettait d'interdire à des personnes de manifester. Est-ce que le
Gouvernement pense que c'est souhaitable, et que c'est opportun, de chercher
une nouvelle manière de faire entrer une telle disposition ou est-ce que vous
dites : elle a été jugée inconstitutionnelle, on n'y revient pas ?
Olivier VÉRAN
Il faut savoir que les
modalités d'action de certains factieux peuvent évoluer. On l'a vu, d'ailleurs,
à Sainte-Soline avec des gens qui sont venus mettre sur place des armements, 3
jours avant la manifestation, de manière à ce qu'ils puissent rentrer sur la
zone et lorsqu'ils sont contrôlés, ne rien avoir sur eux. Mais une fois sur la
zone, ils vont récupérer les objets, les boules de pétanque, les cocktails
Molotov pour les balancer sur les policiers. Donc, il nous faut être réactifs
et il faut être capable de nous adapter aussi à ces nouveaux usages de ces
casseurs et de ces violents. Encore une fois, est-ce que ça nécessite la loi ?
Je n'ai pas la réponse aujourd'hui. Ce qui est certain, c'est que nous sommes
déterminés, encore une fois, à le faire et je le dis en premier lieu pour
assurer la sécurité de ceux là même qui manifestent.
Journaliste
Merci.
Baptiste PACE
Bonjour, Baptiste PACE
AFP, sur le même sujet finalement, le président de la République a-t-il évoqué
la journée du 1ᵉʳ mai et en quels termes ?
Olivier VÉRAN
Le président de la
République a évoqué ce qui s'est passé, en faisant le distinguo entre ceux qui
ont manifesté, encore une fois, librement, et ceux qui sont venus pour casser
et pour tuer. Il a rappelé son soutien aux forces de sécurité intérieure, très
mobilisées, encore une fois, et parfois même ostracisées par une partie de la
classe politique qui, je le dis, du côté de l'extrême gauche, ferait presque le
procès aux Forces de sécurité intérieure d'assurer la sécurité intérieure dans
des conditions qui sont parfois de plus en plus difficiles et de plus en plus
violentes.
Victoria KOUSSA
Bonjour Victoria KOUSSA,
Franceinfo. Que répondez-vous à la contrôleure générale des lieux de privation
de liberté, Dominique SIMONNOT, qui dénonce dans un courrier envoyé au ministre
de l’Intérieur des atteintes graves aux droits fondamentaux, par la police,
lors des dernières gardes à vue, après les dernières mobilisations ?
Olivier VÉRAN
Vous voyez, c’est toute
l’ambivalence apparente du sujet dont on parle depuis quelques minutes. Vous
avez une partie des gens, je pense une majorité, une très large majorité des
Français qui sont légitimement très choqués par les images qu’ils ont vues, de
gestes et d’actes violents et d’exactions à l’encontre des forces de sécurité.
Il y a des Français qui s’interrogent très légitimement sur : pourquoi est-ce
que l’Etat ne met pas hors de nuire ces personnes, de manière à ce que les
manifestations puissent se dérouler dans le calme. Et vous avez une partie des
acteurs, dans la vie publique, qui s’inquiète d’ores et déjà qu’on puisse, pour
assurer la sécurité et faire en sorte que ces actes violents ne se reproduisent
pas, qui s’inquiète qu’on aille entre guillemets trop loin ou qu'on ne
s'adresse pas aux bonnes personnes. Moi, je vous dirais une chose : qu'il y ait
du contrôle, qu'il y ait des vérifications, qu’il y ait parfois de l'extraction
de manifestations de personnes qui sont connues pour être violentes, ça fait
partie exactement de ce que je vous ai dit tout à l'heure, c'est-à-dire la
nécessité pour la République d'assurer la sécurité partout, et dans le respect
des règles républicaines, évidemment. Et si la justice est saisie
systématiquement, c'est qu'on est dans une démocratie qui fonctionne. Et s'il y
a des gens qui sont remis en liberté, c'est qu'on est dans une démocratie qui
fonctionne. Encore une fois, j'invite chacune et chacun à la modération face à
l'exceptionnelle violence à laquelle on a pu assister. On parle, là, de
milliers de personnes, dans des mouvements de cohue, au milieu des fumigènes,
avec des gens qui sont casqués, avec des armes. Je vous garantis... Enfin, je
ne sais pas si vous êtes, si vous avez, si vous imaginez… Moi, j'ai du mal à
imaginer être à la place d'un CRS qui assure la sécurité dans ces conditions
là. C'est très difficile. Donc, je crois qu'il faut du tact, de la modération,
de part et d'autre. Avec un objectif encore une fois : mettre hors d'état de
nuire dans les manifestations ceux qui cassent et qui tuent et assurer la
sécurité de tous les autres.
Quentin CHÂTELIER
Bonjour, Quentin
CHÂTELIER, Liaisons sociales : juste une petite question, dans son communiqué,
l'intersyndicale, hier, affirme que le dialogue ne pourra reprendre que si le
Gouvernement prouve sa volonté de prendre en compte les propositions des
syndicats. Est-ce que le Gouvernement compte, effectivement, prendre en compte
ces propositions ? Et si oui, comment ? Merci.
Olivier VÉRAN
D'abord, permettez-moi de
saluer une étape importante, avec la volonté affirmée par le patron de la CFDT
de venir à la table des discussions et de répondre à l'invitation de la
Première ministre pour pouvoir avancer. Nous saluons vraiment cette volonté de
dialogue et nous espérons, évidemment, que cette volonté sera partagée par
l'ensemble des syndicats, salariés et des représentants patronaux. Parce que la
feuille de route qui est devant nous, elle nécessite ce dialogue étroit avec
les corps intermédiaires, avec les syndicats. Il faut avancer sur le plein
emploi, il faut avancer sur les fins de carrière, il faut avancer sur les bas
salaires, il faut avancer sur les conditions de travail. Il faut avancer sur
tout ce que les Français nous disent depuis des mois, de ce qu'ils veulent que
nous fassions évoluer, la manière dont eux envisagent l'articulation entre leur
vie personnelle et leur vie professionnelle. Les syndicats sont les
interlocuteurs avec lesquels nous devons travailler.
Quentin CHÂTELIER
Et sur la prise en compte
de leurs propositions ?
Olivier VÉRAN
Mais, la prise en compte
de leurs propositions, on va commencer déjà par organiser ces rencontres entre
le Gouvernement et les syndicats, auxquelles, je le redis, nous aspirons depuis
des semaines et des mois. Et donc, elles vont pouvoir désormais se tenir dans
de bonnes conditions. Et donc, à partir de là, on va discuter et dialoguer. On
ne va pas commencer d'ores et déjà à tirer les conclusions d'une discussion qui
n'a pas commencé.
Quentin CHÂTELIER
Merci.
Journaliste
Bonjour Monsieur le
ministre. (inaudible) de CNN. Est-ce que le Gouvernement a confiance que vous
pouvez apaiser la situation avant l'été, où on va voir revenir des touristes
chinois, américains, britanniques qui maintenant ont assez peur de ce qu'ils ont
vu sur les télés, sur ce qui se passe en France et à Paris ?
Olivier VÉRAN
Alors, d’abord, le
tourisme se porte bien en France. Je tiens à rassurer tout le monde. Le
tourisme se porte très bien en France. Nous avons des restaurants qui sont
ouverts, une hôtellerie de qualité, nous avons toujours de magnifiques
paysages, ces bâtiments patrimoniaux, cette culture si diverse qu'elle attire
les touristes du monde entier. Et la France considère qu'elle a vocation à les
accueillir de plus en plus nombreux. C'est important, ça fait partie, aussi, de
notre attractivité. Je peux parfaitement comprendre que des gens qui voient
l'image à la télévision, prise dans un moment donné, dans une rue donnée, un
jour donné, puissent interpeller. Mais je rassure tout le monde, la France est
un pays qui est à la fois ouvert, démocratique, chacun a pu s'en rendre compte
et qui garanti la sécurité de tous dans l'espace public. Donc, bienvenue aux
touristes.
Journaliste
Merci.
Olivier VÉRAN
C'est tout bon pour vous
? Je laisse donc la place au Garde des Sceaux, Éric.
Éric DUPOND-MORETTI
Mesdames et Messieurs,
bonjour.
Le président de la République, vous le savez, a fixé le cap de ces
prochains jours. Travail, planification écologique, restauration de services
publics, l'école et la santé, et l'ordre républicain, avec naturellement : la
justice.
Si j'ose dire, aujourd'hui, la justice est à l'honneur dans tous les
sens du terme. C'est la raison pour laquelle je suis en face de vous pour vous
présenter les deux textes que j'ai présentés, il y a de cela quelques minutes
en Conseil des ministres.
Ces textes sont le fruit d'une réflexion qui a été
conduite dans le cadre des états généraux de la justice. Tous les acteurs
judiciaires et les forces de sécurité intérieure ont été consultés. Je dis bien
: tous. Les Français ont également été consultés. Et de ce point de vue, je le
dis, c'est un exercice démocratique réussi. Vous le savez, on parle en ce
moment beaucoup de démocratie. Et que nous ont disent les Français ? Ils nous ont
dit : la justice est trop lente, elle est trop complexe. Il faut naturellement
les entendre et cela nous oblige. Et les professionnels nous ont dit : nous
manquons de moyens, en dépit de ce qui a déjà été fait, et nous voulons des
simplifications, naturellement, et une réorganisation.
Alors, deux textes. Le premier texte est une loi de programmation,
qui a d'abord pour objet de graver dans le marbre législatif les moyens dont la
justice a besoin. Vous savez, des réformes de la justice, il y en a eu un
certain nombre, mais rarement corrélées aux moyens, de sorte que la réforme
était envisagée. Parfois, elle était votée. Puis, ensuite, on n'avait pas les
moyens de le mettre en œuvre. Donc, les moyens, qu’est-ce que c’est ? Mais
avant de vous dire ce que sont les moyens que nous allons mettre à disposition
de la justice, je vais faire un petit rappel. Parce qu'un morceau avalé ne peut
pas ne pas avoir de saveur.
Sous le premier quinquennat d'Emmanuel MACRON,
c'est déjà 40 % d'augmentation du budget de la justice, 40 %. C’est 700
magistrats embauchés, 850 greffiers et 2 000 contractuels qui ont permis, avec
le travail des magistrats et des greffiers, de réduire de façon considérable le
stock de dossiers en attente. On s'est inspiré de cela, évidemment, pour le
pérenniser dans le texte que j'ai porté.
Les chiffres, c'est 7,5 milliards
d'euros d'investissements supplémentaires. Et pour que vous ayez une
comparaison, c'était 2,1 milliards d'euros sous le quinquennat du Président
HOLLANDE et 2 milliards d'euros sous le quinquennat du président SARKOZY. Donc,
vous le voyez, un effort considérable qui fera que le budget justice sera en
augmentation de plus de 60 %. Qu'est-ce qu'on fait avec ça ? On embauche massivement, 100 000 personnels
supplémentaires. 1 500 magistrats. 1 500 greffiers. Les fameux contractuels dont
je vous ai parlé, on va en embaucher davantage, mais on va les pérenniser, on
va les institutionnaliser. Ils suivront une formation à l'Ecole nationale de la
magistrature, ils prêteront serment. Il y a, bien sûr, évidemment, le programme
immobilier pénitentiaire. Il y a également le recrutement d'agents
pénitentiaires. Voilà pour les chiffres.
J'ajoute que les magistrats, les
professionnels, les greffiers, les avocats que nous avons consultés, les forces
de sécurité intérieure, nous demandent de simplifier les procédures. On a
beaucoup parlé d'inflation législative. C'est une réalité. Donc, je souhaite
que l'on simplifie le code de procédure pénale. Ce travail est d'ores et déjà
parti, si j'ose dire. Il est d'ores et déjà initié, puisque nous avons mis en
place un comité scientifique qui va réfléchir à la façon de simplifier, sans
modifier, mais de simplifier. C'est un travail titanesque. Il prendra entre 18
mois et 2 ans. Je vais y associer des parlementaires de tous les groupes,
sénateurs, députés, pour qu'ils suivent le travail, évidemment, de ce conseil
scientifique.
En même temps et dans le dur, dans le texte que
j'ai présenté ce matin, [il y a] un certain nombre de modifications de la procédure
pénale pour aller vers davantage de simplification, de fluidité. Ça, vous le
comprenez, c'est un vœu partagé à la fois par les magistrats, par les avocats,
par les greffiers et par les forces de sécurité intérieure.
Et puis, quand on a
ce budget gravé dans le marbre, comment fait-on pour… Pardon pour ce verbe,
trouver ces 1 500 magistrats ? Où va-t-on les chercher ? On va aller chercher
chez les autres professionnels du droit : avocats, huissiers de justice,
greffiers, professeurs de droit. Et pour permettre, si j'ose dire, cette
attractivité que j'appelle de mes vœux, on va ouvrir et élargir les passerelles
permettant d'aller vers la magistrature.
Aujourd'hui, il y a 11 concours et des
stages professionnels qui sont souvent trop longs et qui rebutent des
professionnels du droit qui souhaiteraient devenir magistrat. L'autre volet,
évidemment, que je présenterai dans la loi organique, c'est un système plus
facile d'accès pour le justiciable, dans le cadre de la responsabilité des
magistrats.
Aujourd'hui, un justiciable peut saisir le Conseil supérieur de la
magistrature. Mais c'est tellement complexe, tellement difficile que les
plaintes n'aboutissent pas. Donc, je souhaite les simplifier. Je souhaite
également donner au Conseil supérieur de la magistrature la possibilité d'aller
enquêter, pour savoir ce qui s'est passé. Au fond, ce que je souhaite, c'est
que quand un justiciable a raison, on lui rende raison et on lui donne raison. Le service public de la justice est un service public au service, bien sûr, du
justiciable, et il ne faut jamais l'oublier.
Un certain nombre d'autres mesures
organisationnelles qui ont été prises seront naturellement débattues au Parlement.
Je pense à la création d'un troisième grade, par exemple. Je pense
qu'aujourd'hui, vous voyez, en première instance, quand un magistrat a fait
preuve de son expérience, de sa qualité professionnelle, de sa capacité, il
doit parfois, pour poursuivre sa carrière, aller devant la cour d'appel pour y
exercer son activité. Je souhaite que l'on puisse voir les avantages
d'une amélioration de la carrière, tout en restant en première instance. Il en
va notamment de la qualité de la première instance et c'est un sujet qui a été
évoqué dans le cadre des états généraux.
Voilà, très schématiquement, ce que je
souhaite vous dire aujourd'hui. On aura l'occasion de reparler, évidemment, de
ces textes dans le détail. Il y a aussi, parce que je le souhaite, davantage de
travaux d'intérêt général qui vont pouvoir être mis en place. Et puis, je dois
en parler ici, même si ça n'était pas l'objet de ma présentation ce matin.
Il y
a également le civil qu'il convient de simplifier. Et le civil, vous le savez
déjà, c’est ma volonté d’aller vers de l’amiable. Parce que l’amiable remet le
justiciable au cœur de son procès ; parce qu’il remet le Juge au centre de ce
qu’est son activité : dire le droit ; et parce que nous avons la possibilité
d’obtenir une réduction drastique des délais.
Les Français nous disent, et ils
ont raison : la justice est trop lente. Alors, on est allé voir ce qui se faisait ailleurs : aux Pays-Bas, en
Allemagne, au Canada, et grâce à l’amiable, avec un contentieux qui est
beaucoup plus important que le nôtre, aux Pays-Bas c’est deux fois plus de
contentieux, réglés, Mesdames et Messieurs, en deux fois moins de temps. Et
bien, l’idée développée avec ces mots-là par le président de la République, à
Poitiers, lorsqu'il a lancé les états généraux, c'est une justice plus proche,
plus protectrice, plus rapide et nous avons les moyens de mettre cela en œuvre.
Je veux naturellement, ici, remercier les magistrats, les greffiers, les
avocats, les forces de sécurité intérieure que je ne veux pas oublier, tous
ceux qui participent à l'œuvre de justice pour leur dire qu'enfin nous avons
mis en place sur le terrain budgétaire, politique et humain, autre chose que ce
qui a été le fil conducteur des politiques passées, 30 ans d'abandon humain,
politique et budgétaire.
Et je dis que, dès à présent, la justice n'a jamais
été aussi bien dotée, mais qu’il faut aller plus loin et c'est ce que portent
les deux textes que j'ai l'honneur de vous présenter à cet instant.
Je suis à
votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Simon LE BARON
Bonjour Monsieur le
Ministre.
Éric DUPOND-MORETTI
Bonjour Monsieur.
Simon LE BARON
Simon LE BARON, pour
France Inter. Que répondez-vous aux magistrats ou aux syndicats qui, pour
schématiser très grossièrement, disent : c'est bien de faire une réforme, mais
mettons déjà en place celles qui ont déjà été faites dans les années
précédentes ?
Éric DUPOND-MORETTI
Pardonnez moi. Est-ce que
l'on veut donner à la justice davantage de moyens ? Dois-je vous dire que le
chiffre de 1500 magistrats, par exemple, ce n'est pas un chiffre que j'ai
trouvé au doigt mouillé ; je ne me suis pas levé un matin en me disant : tiens,
ce serait bien 1 500 magistrats de plus. C'est le travail des Etats généraux de
la justice, composés de professionnels, bon. Et ce chiffre correspond à une
nécessité aujourd'hui. Donc oui, il faut davantage de moyens. Quant aux
réformes, on les met en place, parce que pour embaucher 1 500 magistrats, je le
dis, il faut qu'on bouge un certain nombre de choses et qu'on puisse rendre la
magistrature plus attractive qu'elle ne l'est aujourd'hui. Voilà ce que je peux
répondre. Il y a ceux qui souhaitent l'immobilisme et ceux qui souhaitent que l'on
aille de l'avant. Moi, je veux que la justice, je le redis, et ces mots sont
désormais les miens, ils ont été prononcés par le président de la République,
que la justice soit plus proche, qu'elle soit plus efficace, qu'elle soit plus
protectrice. Enfin, qu'est ce qu’ils disent nos compatriotes ? Deux ans, en
moyenne, pour un litige civil. Le civil, ça concerne tout le monde. Est-ce que
ce n’est pas trop long ? Est-ce que l'on ne peut pas envisager de réduire ça de
façon extrêmement importante ? L'amiable, par exemple, l'amiable que
soutiennent des magistrats et des avocats qui le pratiquent au quotidien. Et
Monsieur, parfois dans un litige qui touche à votre intimité, les litiges
familiaux, par exemple. Vous ne voyez pas le juge. La justice n'est pas incarnée.
Comment voulez-vous que, dans ces conditions, nos compatriotes aient confiance
dans la justice ? Donc, qu'il y ait, au début de ce litige à venir, qui nous
concerne tous, une fois encore, un juge qui incarne la volonté d'aller vers de
l'amiable, de la transaction, de l'apaisement et d'aller vite, je trouve qu’il
ne faut pas avoir peur d'aller vers ces réformes.
Simon LE BARON
J'en profite pour une
deuxième question. Sur les places de prison, 15 000 supplémentaires. Est-ce que
sur ce sujet-là, les décennies précédentes n'ont pas montré qu’en la matière,
l'inflation n'était pas la solution ?
Éric DUPOND-MORETTI
Monsieur, votre question,
elle amène une réponse nuancée et complète, évidemment. Est-ce que l'on peut se
satisfaire des conditions indignes de détention ? Non. Comment y remédier ?
L'un des leviers, c'est évidemment la construction de places supplémentaires.
Mais la régulation carcérale, c'est autre chose aussi. C'est mettre en place le
travail d'intérêt général qui est une peine qui fonctionne. Chaque fois, je le
dis, que c'est possible, évidemment, dans une délinquance qui est — pardon, je
vais être un peu techno — de basse intensité. Libération sous contrainte que
j'ai mise en place à compter du 1ᵉʳ janvier dernier, qui permet à la fois d'éviter
des sorties sèches dont on sait qu'elles sont génératrices de récidive.
L'emploi pénitentiaire, j'ai créé un contrat d'emploi pénitentiaire pour que
des patrons viennent offrir du travail à des détenus avec 3 avantages : la
réinsertion au bout du chemin de ce travail, évidemment, mais également le
paiement des victimes avec le salaire. Et aussi une paix sociale. Parce que
quand vous avez quelqu'un qui sort de prison avec une formation ou un travail,
bien naturellement, c'est sécurisant pour l'ensemble de nos compatriotes. Donc,
voilà un certain nombre de leviers qui ont été mis en place et qui me font dire
naturellement qu'il fallait construire ces places de prison. Et puis Monsieur,
est-ce que l'on pense aux conditions de travail du personnel pénitentiaire ?
Troisième force de sécurité dans ce pays, boulot particulièrement difficile.
J'ai d'ailleurs tenu, et j'ai pu le faire grâce à la Première ministre, j'ai pu
les passer de catégorie C en catégorie B et de catégorie B en catégorie A,
parce qu'il est temps que l'État leur témoigne une vraie reconnaissance. Il y a
20 ans qu’ils attendaient cette réforme et nous l’avons mise en place. Je vous
en prie, Monsieur.
Journaliste
Bonjour Monsieur le
ministre, Lina (inaudible), stagiaire chez France Info. Justement, par rapport
à cette catégorie A, je voulais revenir sur le statut des greffiers en France.
Qu’en est-il ? Est-ce que ce passage à la catégorie A, donc, une revalorisation
de leur statut et de leur rémunération est donc d’actualité dans vos deux
textes ? Merci.
Eric DUPOND-MORETTI
Madame, moi, je ne suis
pas un démagogue, moins encore un populiste. Je ne peux pas tout faire en un
coup de baguette magique. Mais, les greffiers ont d’ores et déjà été augmentés
de 12%. Et je leur ai dit, et je le redis ici puisque vous me posez la
question, que dans un calendrier dédié, cet automne, nous travaillons sur des
revalorisations. Je vais m'arrêter un instant là dessus et rappeler d'ailleurs,
puisque vous m'en donnez l'occasion, que les magistrats ont été augmentés de
1 000 € par mois, ce qui est bien la moindre des choses, parce que sachez
qu'ils n'avaient pas eu de revalorisation salariale depuis 1996. Donc, on a
voulu, là aussi, témoigner la reconnaissance que nous leur devons pour le
travail qu'ils accomplissent dans des conditions particulièrement difficiles.
Et cette réforme que je viens de présenter à grands traits, franchement, nous
la devons aux magistrats, aux greffiers, aux personnels de justice de ce pays,
aux agents pénitentiaires que je ne veux pas oublier, et puis aux avocats,
évidemment, qui ont besoin de simplification, et aux forces de sécurité
intérieure qui ont aussi besoin d'outils qui sont des outils plus faciles, plus
lisibles.
Journaliste
Merci.
Journaliste
Bonjour Monsieur le
ministre, vous avez parlé des délais beaucoup trop longs, c'est notamment le
cas devant les conseils de prudhommes. Est-ce que des mesures spécifiques sont
prévues dans les textes que vous avez présentés ce matin et si oui, lesquelles
? Merci à vous.
Eric DUPOND-MORETTI
Oui, il y a un volet
conseil des prudhommes et notamment formation autour des conseillers
prud'homaux. Bien sûr, il y a un changement d'organisation qui est prévu. Le conseil
des prud'hommes reste évidemment parce que c'est une juridiction qui a fait ses
preuves. Mais, cette volonté de réduire les délais touche toutes les
juridictions et d'ailleurs je veux également dire, vous m’en donnez l'occasion,
je ne l'avais pas évoqué, que nous allons mettre en place, à titre
expérimental, un tribunal des activités économiques qui aura notamment à
prendre en charge les agriculteurs. Les agriculteurs connaissent un certain
nombre de difficultés économiques, cela n'échappe à personne, et ce sont des
travailleurs qu'il convient de mieux protéger. Donc, là aussi, nous espérons,
sur tous les volets judiciaires, une réduction importante de nos délais. Merci
à vous, Mesdames et Messieurs. Merci.