Hommage à la députée Corinne ERHEL

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 27/07/2017

Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les Ministres. Mesdames et Messieurs les Députés.
Les mots que vous venez de prononcer, Monsieur le Président, ont, je crois, résonner d’un écho particulier dans les cœurs de cette Assemblée. Sur tous les bancs.
Je pense à Richard Ferrand, à Eric Bothorel, son successeur, à Laure de la Raudière, son amie et à tous ceux qui ont travaillé avec Corinne Erhel.
Vos mots ont aussi résonné dans le cœur de plusieurs membres de ce Gouvernement qui faisaient partie de ses amis proches.
Je n’ai pas eu cette chance. Bien sûr, je connaissais Corinne Erhel, elle était un visage familier ici, toujours souriante, gaie, concentrée aussi, énergique toujours, décidée.
Le respect immense qui l’entourait était proportionnel à sa modestie et, disons-le, à sa gentillesse.
C’est sans doute ce qu’il y a de plus frappant chez elle. Durant l’exercice de ses responsabilités, Corinne Erhel a fait briller les belles qualités de la politique, l’engagement, la simplicité, la franchise, l’humilité. Elle a prouvé que l’on pouvait mener une brillante carrière sans carriérisme, que l’on pouvait s’engager en politique sans violence, ni calcul.
« Chose triste et fatale, s’exclamait Victor Hugo, les ouvriers de l’intelligence sont souvent emportés, avant que leur journée soit faite. » Les journées de Corinne Erhel étaient bien remplies. Trop peut-être. Mais sans doute jamais assez pour celle qui était une travailleuse acharnée.
Dans ses journées, il y avait sa terre natale, la Bretagne, telle qui l’a vu grandir et à laquelle elle s’est très vite consacrée, jusqu’à devenir la première femme députée de la 5ème circonscription des Côtes-d’Armor. Je ne reviendrai pas sur les détails de son parcours, que vous venez de retracer, Monsieur le Président. Mais je voudrais en souligner les grandes lignes de force.
Depuis dix ans, Corinne Erhel a sillonné en tous sens cette circonscription, Lannion, Paimpol, Tréguier, pour y assurer ses permanences, tous les jours de la semaine, elle s’y est battue sur tous les fronts, avec une opiniâtreté toute bretonne et c’est un Normand qui le dit, avec admiration.
Sur le front économique, en soutenant la création du Pôle technologique de Lannion ; sur le front social, en se mobilisant en faveur des salariés d’ALCATEL LUCENT, au moment du rachat de l’entreprise par NOKIA. Sur le front écologique, vous l’avez dit, Monsieur le Président, tout le monde se souvient de son combat pour la sauvegarde des côtes du Trégor et son opposition résolue au projet d’extraction du sable coquillier en baie de Lannion.
Enfin, sur le front peut-être le plus important du quotidien, je fais référence ici à ces milliers de rencontres qui nourrissent la vie et la réflexion d’un parlementaire, à ces sourires, à ces critiques, à ces encouragements, à ces conseils, à ces paroles qui apaisent, qui orientent et qui rassurent nos concitoyens.
Dans ses journées très remplies, il y avait en plus l’Assemblée nationale, sa Commission des Affaires économiques qui occupait évidemment une place particulière. En dix ans, Corinne Erhel est devenue une spécialiste reconnue du numérique en signant ou en cosignant six rapports parlementaires sur le sujet. Vous l’avez rappelé, Monsieur le Président, c’est cette conviction, cette passion pour le numérique, pour la transformation qu’elle impliquait sur notre société, qui l’a conduite à croiser un jour la route d’un ministre de l’Économie, qui défendait ce qui deviendra la loi du 6 août 2015 pour la Croissance l’Activité et l’Egalité des chances économiques. Une loi dont Corinne Erhel a été l’une des chevilles ouvrières.
Cette loi a surtout été l’occasion pour elle de partager, puis de défendre une vision commune de l’avenir. Très vite, au contact du candidat Emmanuel Macron, elle a perçu la nature de la transformation qui se préparait et dont elle avait, par son sens du collectif, sa capacité à s’extraire des clivages traditionnels, anticipé les effets.
C’est pourquoi dès le lancement du mouvement En Marche, elle a décidé de le rejoindre, sans renier ses convictions, mais en l’assumant clairement.
Comme dans tous ses autres combats, elle s’y est engagée sans retenue, aux côtés d’un grand nombre d’entre vous. Elle a connu les doutes inhérents à toute campagne, les mises en cause, puis ce souffle extraordinaire qui porte un candidat et un projet en phase avec les attentes d’un pays.
Jusqu’à ce soir de mai, à Plouisy, vers 20h30, où sans crier gare, ce cœur pourtant si généreux a décidé de nous priver de sa présence. Ce dernier battement de cœur a suscité une immense onde de choc chez ses proches et dans sa terre de Bretagne.
Je me souviens de cette phrase de Philippe Séguin qui évoquait un jour « les terribles exigences et l’engagement entier qu’appelle parfois le service de la Nation ». Ces exigences, cet engagement font la noblesse de la mission que les Français nous ont confiée. Elles font surtout la noblesse de ceux qui, comme Corinne Erhel, vont parfois jusqu’au bout de leurs limites pour l’accomplir.
C’est dur, la politique. C’est dur, parce que cela implique forcément une part de renoncement. Renoncement à ses proches, à ses passions, renoncement au confort parfois douillet de l’anonymat.
C’est physique aussi, il y a la fatigue, les kilomètres, les permanences, les séances de nuit, le stress, les dossiers. Cette âpreté morale, physique, nos concitoyens – c’est normal – ne la perçoivent pas toujours. Mais elle est réelle. Gardons à l’esprit qu’elle est le prix d’immenses satisfactions. Des satisfactions, qui, selon le mandat qu’on exerce, prennent des formes différentes. Une PME qui s’installe, un quartier qui se transforme, une famille qui retrouve un logement, un enfant prometteur qui réussit, une loi importante qui voit le jour.
Lors de ses obsèques, le Président de la République lui avait rendu hommage en ces termes, je le cite : « Il y a des personnes qui sont une grâce et qui, quand elles accompagnent des combats difficiles, permettent de ne jamais oublier le trésor que constitue l’Humanité. »
Oui, la politique peut être dure, injuste. Mais elle est aussi très belle, très vertueuse, surtout quand elle prend les traits de personnalités comme Corinne Erhel.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, aucun hommage, aussi solennel soit-il, ne compensera la douleur de la disparition de Corinne Erhel. Les hommages passent et passeront, la peine demeurera, à commencer par celle de son mari, de sa belle-sœur, de son beau-frère qui sont présents parmi nous, ainsi que de ses parents auxquels j’adresse, au nom du Gouvernement, mes plus sincères condoléances.
Les hommages passeront et nous, quand je dis « nous », ce n’est pas « nous », personnes physiques, c’est l’Assemblée nationale, le Gouvernement, nous, nous resterons. Je crois que nous pouvons faire quelque chose à la fois de simple et d’exigeant, c’est de s’inspirer de son exemple, d’emprunter ce chemin de travail et d’honnêteté qu’elle a tracé sans le savoir, pour toutes celles et tous ceux qui siègent aujourd’hui dans cette Assemblée.
Nous avons tous ici en commun, avec Corinne Erhel, dont nous pouvons considérer qu’elle est parmi nous aujourd’hui, l’amour du pays, l’amour du débat, l’amour de l’engagement, des désaccords profonds. Mais l’exemple de Corinne, c’est l’exemple d’un amour du pays, d’un amour de l’engagement, d’un amour du débat et d’un immense respect.
Si, Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement, Monsieur le Président, Corinne restait, y compris dans le cœur de ceux qui ne l’ont pas connue, comme un exemple de respect, alors, elle aurait laissé une immense chose.
Je vous remercie

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