Discours du Premier ministre lors de l'ouverture du Congrès de l'UNCCAS à Nantes

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Édouard Philippe.

Publié le 15/10/2018

Seul le prononcé fait foi
Madame la Présidente de l’UNCCAS, chère Joëlle Martinaux ,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je voudrais commencer ce moment en adressant, au nom de tous, un message de soutien à nos concitoyens de l’Aude qui font face à une inondation dramatique. Le bilan, provisoire, est lourd, et tous les services de l’État sont mobilisés sur place.
Je me tiens informé en permanence de l’évolution de la situation et me rendrai sur place dès que possible. Ma présence à vos côtés ce matin demeurait toutefois essentielle, tant l’UNCCAS joue un rôle clé dans le quotidien de bon nombre de nos concitoyens.
Je tenais aussi à vous remercier pour votre collaboration constructive pendant la concertation que nous avons menée pour définir la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette stratégie, présentée par le Président de la République le 13 septembre dernier, sera l’une des priorités du quinquennat.
Je remercie tout particulièrement Madame la Présidente de l’UNCCAS, Joëlle Martinaux , qui a présidé le groupe de travail dédié au pilotage des politiques sociales sur les territoires. Les propositions que vous avez formulées, notamment en invitant l’État à assumer son rôle de pilotage et de coordination dans le champ des solidarités, ont indéniablement pesé dans la définition de notre stratégie.
Cette phase de concertation nous a prouvé que l’UNCCAS et le Gouvernement regardent dans la même direction. Je pense à la priorité que nous souhaitons accorder à la petite enfance qui est le moment de la vie où s’installent les inégalités les plus pernicieuses, dans l’apprentissage du langage, de la confiance en soi et en l’autre. Je pense à la lutte contre le non recours aux prestations sociales grâce au développement de la dématérialisation. Je sais que vous aurez l’occasion d’aborder cette thématique tout à l’heure. Je pense encore à la logique d’investissement social, sur laquelle nous avons fondé notre stratégie, et que vous aviez déjà choisie comme thème central de votre congrès, l’an dernier.
Le plaisir de travailler avec vous repose au fond sur la satisfaction de pouvoir s’appuyer sur des partenaires fiables et légitimes. Car les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) sont des acteurs essentiels de notre cohésion sociale. Indépendamment des structures institutionnelles classiques, vous constituez des relais locaux que je souhaite, sans mauvais jeu de mots, « unccassables ».
Vous êtes, pour nous, des alliés précieux parce que vous agissez au plus près de nos concitoyens. Vous connaissez leurs besoins, qui diffèrent d’un territoire à l’autre, selon qu’on habite en ville ou à la campagne. Ces besoins, vous les analysez et vous y répondez en proposant des solutions concrètes qui touchent plus de 70% de nos concitoyens. Vous trouvez un mode de garde à une mère de famille monoparentale, pour qu’elle puisse chercher un emploi, et vous offrez vous-même plus de 35 000 places d’accueil aux jeunes enfants sur le territoire. Vous sortez une personne âgée de sa solitude en lui proposant des activités et des dispositifs d’accompagnement au quotidien, en partie en vous appuyant sur les 400 EHPAD que vous gérez. Comme vous avez coutume de le dire vous-même, vous êtes à la fois les acteurs de premier et de dernier recours, ceux qu’on vient voir en urgence ou quand on a perdu espoir.
Bien souvent, vous faites œuvre de pionniers en repoussant les barrières institutionnelles qui entravent votre action, pour apporter les réponses de proximité aux problèmes que vous devez résoudre chaque jour. L’UNCCAS est un laboratoire d’innovations sociales et nous avons tous intérêt à ce qu’elle le reste.
C’est notre intérêt parce que nous avons plus que jamais besoin des centres d’action sociale pour mettre en œuvre, sur tout le territoire, les grands chantiers de transformation sociale et solidaire que le Gouvernement a lancés. J’ai bien entendu, Madame la Présidente, les craintes que vous exprimiez à l’égard de l’évolution des équilibres territoriaux, et notamment de la métropolisation. Ne soyez pas inquiète. Je ne connais pas de métropole qui puisse envisager de se départir de son maillage de CCAS. Si certains rapprochements s’engagent, je ne doute pas qu’ils chercheront à renforcer leur maillage territorial. C’est d’ailleurs l’objet même des initiatives locales en cours de réflexion.
Je le dis en toute humilité : nous avons besoin de vous pour donner vie à notre stratégie d’éradication de la pauvreté. Le Président de la République a fixé une ambition : mettre un terme au « déterminisme social et territorial » qui assigne à résidence 9 millions de nos concitoyens, dont 3 millions d’enfants.
Je le disais il y a quelques instants, les inégalités en termes d’acquis cognitifs et comportementaux, dont découleront toutes les autres inégalités, s’installent avant trois ans. Nous avons donc engagé une politique inédite pour repérer et accompagner les enfants les plus exposés à ces risques d’exclusion précoce.
Ce repérage précoce commencera dès avant la naissance puisque nous allons mettre en place un « parcours parent » dès le 4 ème mois de grossesse et qui se poursuivra après la naissance : parce qu’on ne sait pas toujours comment se comporter avec son enfant, à qui demander conseil en cas de doute ou d’inquiétude, dans une période clé de la vie. Or on sait qu’un enfant de 4 ans peut avoir entendu 1000 heures de langage de plus qu’un autre enfant, selon son environnement familial et social : on mesure donc l’importance des premières années de vie pour le développement et l’épanouissement ultérieurs. Dès lors, il faut que les parents puissent s’appuyer sur des relais efficaces et bienveillants. Quand je parle de relais, je pense d’abord à la PMI, lieu d’accueil et de proximité qui doit accompagner les parents. C’est le sens de la mission d’évaluation de la politique de prévention maternelle et infantile que nous avons confiée à la députée Michèle PEYRON, et dont nous attendons les conclusions pour novembre prochain.
Pour prévenir, repérer et accompagner, il faut par ailleurs implanter des maillons solides sur tous nos territoires, notamment ceux qui cumulent les difficultés. 260 centres sociaux seront construits pendant le quinquennat, notamment pour couvrir 100% des quartiers de la politique de la ville. Ces centres sociaux auront vocation à réactiver les principes de l’éducation populaire en ménageant un espace où l’on peut parler librement sur tous les sujets qui peuvent désemparer ou angoisser, de la garde d’enfants au versement du RSA. Je sais à quel point les habitants d’une commune sont attachés à ces lieux de vie, de convivialité et d’accompagnement.
Pour le sujet de la garde d’enfants, si important pour les parents et pour leurs enfants, la convention d’objectifs et de gestion de la CNAF prévoit la création de 30 000 places en crèches, sur le quinquennat. Ces modes de garde doivent être accessibles à tous les Français, sur tout le territoire : actuellement, seuls 5% des enfants issus de quartiers défavorisés en bénéficient, contre 22% des enfants issus d’une classe aisée. La convention va donc mobiliser de nouveaux outils pour permettre une réelle égalité d’accès aux crèches : un bonus « territoire », pour réduire à moins de 10% du coût d’une place en crèche le reste à charge des communes pauvres, et un bonus « mixité » pour favoriser la mixité dans les structures d’accueil.
Mais l’idée n’est pas seulement de créer des places en crèches : il faut aussi repenser les méthodes d’apprentissage pour lutter contre la reproduction des inégalités. Les méthodes reposant sur le jeu, l’autonomie ou la curiosité du jeune enfant ont montré d’excellents résultats en matière d’apprentissage du langage et de confiance en soi. Les lieux d’accueil des enfants doivent donc favoriser ce type de pratiques, dans un esprit de bienveillance et de créativité. Nous allons créer un fonds d’innovation sociale de 100 millions d’euros pour encourager les expérimentations qui s’inscrivent dans cette logique pédagogique. Le laboratoire d’innovation sociale qu’est l’UNCCAS a évidemment vocation à les accompagner. De ce point de vue-là, c’est une petite révolution culturelle qui s’annonce.
Nous avons également besoin de vous pour nous aider à éradiquer la faim et la malnutrition qui tenaillent des milliers d’enfants – il est difficile de savoir combien exactement, mais c’est de toutes façons beaucoup trop. Dans une société de consommation et d’abondance comme la nôtre, c’est une honte qui laisse presque sans voix.
C’est pourquoi nous allons mettre en place, dès janvier 2019, une tarification sociale dans les cantines pour développer les repas à 1€ dans les petites communes rurales, celles qui comptent moins de 10 000 habitants. Pour l’instant, 70% d’entre elles en sont dépourvues. L’État aidera financièrement les communes rurales à généraliser cette pratique qui assurera le droit fondamental à une alimentation saine et suffisante.
Dans la même logique, nous allons proposer des petits déjeuners dans les écoles REP+, pour tous les enfants qui arrivent, le matin, le ventre vide. Actuellement, ils sont deux fois plus nombreux dans ces quartiers que dans le reste du territoire français (soit 15% contre 7% en moyenne nationale).
Nous avons donc ciblé plusieurs mesures visant à prévenir la pauvreté chez les enfants. Au-delà de la priorité à l’enfance, le Président de la République a annoncé la nécessité de bâtir un grand service public de l’insertion, qui redonne tout son sens et surtout sa réalité au concept d’insertion. Il s’agit d’assurer à tous les bénéficiaires de minimas sociaux un accompagnement systématique et individualisé vers l’emploi. Parce qu’aujourd’hui, l’accompagnement varie d’un département à l’autre et seuls 9% des allocataires du RSA retrouvent un emploi dans l’année. Or le travail reste le levier d’émancipation le plus sûr.
Il faut donc inventer un parcours efficace de retour à l’emploi, qui ne délaisse personne. Une vaste concertation s’ouvrira début 2019, pour que toutes les forces vives de notre pays se mobilisent en faveur de l’insertion. Là encore, nous allons avoir besoin de la participation et de l’expertise des CCAS.
Enfin, en plus des sujets liés à la petite enfance et à l’insertion, je sais que, depuis plusieurs années, vous nous alertez sur les difficultés que rencontrent nos concitoyens les plus vulnérables dans l’accès aux soins, notamment les personnes âgées. A compter du 1 er novembre 2019, la CMU-c sera donc étendue aux personnes aujourd’hui éligibles à l’ACS, moyennant une participation financière. Elle restera gratuite jusqu’aux plafonds de ressources actuels de la CMU-c (soit environ 734 euros mensuels pour une personne seule) et sera soumise à une participation financière réduite, selon l’âge du bénéficiaire, jusqu’au plafond de l’ACS (qui est de 991 euros mensuels).
Cet élargissement du public éligible à la CMU-c assurera à ses bénéficiaires la prise en charge complémentaire de la totalité des frais pour un panier de soins élargi : la réforme « 100% santé optique, aide auditive, dentaire » garantit par exemple l’absence de reste à charge sur ces trois postes de soins. Mais ce sera aussi le cas pour les fauteuils roulants, les sondes ou les pansements. Cette extension va donc limiter les renoncements aux soins. Le dispositif devient plus lisible et moins coûteux, notamment pour les personnes âgées qui payent très cher leur complémentaire santé. Désormais, l’accès à une couverture complémentaire santé pourra leur coûter moins de 1 euro par jour.
Et puisque je parle des personnes âgées, j’aimerais rappeler que trop d’entre elles cumulent des fragilités physiques, financières, géographiques, au point de se sentir abandonnées par la société.
Je sais que les CCAS nous ont ouvert la voie, depuis longtemps, en leur proposant toute une palette de solutions et d’activités. Vous jouez notamment un grand rôle pour prévenir la perte d’autonomie, porter des repas à domicile ou lutter contre l’isolement.
Je vous invite donc à prendre une très large part à la concertation qui s’engage, sous l’égide de la ministre des Solidarités et de la Santé, sur les grands enjeux liés à la dépendance. Nous comptons sur vous pour nous aider à bâtir une politique généreuse et innovante qui prendra soin de nos aînés. Car la dépendance ne doit pas être synonyme de résignation ni d’aliénation mais de solidarité.
Mesdames et Messieurs, chers amis, on parle beaucoup – et c’est tant mieux – d’innovation, de révolution numérique, de stratégie 2, 3, 4 point zéro. Il faut évidemment se réjouir de ces transformations et les encourager. Car la technologie peut nous aider à mieux soigner, mieux accompagner, mieux prendre en charge. Mais elle ne suffira jamais. L’accompagnement des enfants et des personnes âgées, l’orientation individualisée vers l’emploi d’un adulte qui a perdu toute confiance en lui-même et en la société, toutes ces activités mettent en jeu des parts non négociables de notre humanité. Elles mettent en jeu une relation interpersonnelle, un contact physique, la sagesse d’un conseil.
Et c’est parce que vous le savez, parce que vous le vivez quotidiennement, au plus près de nos concitoyens, que nous avons besoin de vous pour inventer les nouveaux chemins de la solidarité. Ces chemins qui assureront, demain, notre cohésion nationale.
Je compte sur vous et je vous remercie.

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