Remise du rapport de la commission d’évaluation du projet d’accord UE-Mercosur

Ce contenu a été publié sous le gouvernement du Premier ministre, Jean Castex.

Publié le 18/09/2020

Les négociations de l’Accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) ont été conclues le 28 juin 2019 pour le volet commercial, et le 18 juin 2020 pour le volet de dialogue politique et de coopération.
En août 2019, en marge du sommet du G7 à Biarritz, le Président de la République a indiqué que la France ne pouvait pas soutenir l'accord UE-Mercosur en l’état, compte tenu de l’orientation prise par les politiques publiques de ce bloc de pays qui vont clairement à l'encontre des objectifs collectifs de l'Accord de Paris et de leurs engagements individuels pris dans ce cadre. Cela se manifeste en particulier par l’aggravation depuis plusieurs années de la déforestation dans cette région, notamment en Amazonie. Ces actes sont contraires à la fois à la lettre et à l'esprit du projet d'accord d’association UE-Mercosur, dont le volet commercial et le volet politique engagent explicitement au respect et à la mise en œuvre effective de l’Accord de Paris, à la demande de la France durant la négociation.
Dans ce contexte, le Gouvernement a mandaté à l’été 2019 une commission d’experts indépendants présidée par l’économiste de l’environnement Stefan Ambec, directeur de recherche à l’INRAE et à la TSE. Cette commission était chargée, notamment, d’analyser l’ensemble des dispositions du projet d’accord pouvant avoir un impact sur le développement durable, d’évaluer l’effet de l’accord sur les émissions de gaz à effet de serre, la déforestation, la biodiversité, la diffusion des technologies propres et la transition écologique des modes de production, et notre capacité à assurer le respect, pour tous les produits consommés sur le marché européen, de nos standards environnementaux et sanitaires.
Le Gouvernement remercie la Commission pour la qualité et la densité du rapport et a pris connaissance de ses conclusions, qui s’avèrent préoccupantes.
Elles mettent tout d’abord en lumière l’impact potentiel de l’accord commercial sur l’augmentation de la déforestation dans les pays du Mercosur. Ensuite, elles soulignent le niveau d’ambition insuffisant de ce projet d’accord en tant qu’outil pour amener nos partenaires commerciaux à une meilleure prise en compte du dérèglement climatique et de la protection de la biodiversité, notamment via le respect de l’Accord de Paris.
Le Gouvernement en conclut que ces éléments confortent la position de la France de s’opposer au projet d’accord d’association en l’état. Il nous appartient donc désormais d’élaborer, en concertation étroite avec nos partenaires européens et avec la Commission européenne dans un premier temps, puis avec les pays du Mercosur dans un deuxième temps, les réponses à apporter à ces préoccupations environnementales, en particulier en matière de déforestation. Il en va de la cohérence des engagements climatiques et environnementaux de la France et de l’Union européenne, ainsi que de la pleine adéquation de la politique commerciale européenne avec les objectifs du Pacte vert présenté par la Commission européenne en décembre 2019.
Le Gouvernement considère qu’il est nécessaire de concentrer les travaux en particulier sur l’élaboration de dispositions pouvant permettre de s’assurer :
  • Qu’un accord d'association avec le Mercosur ne puisse en aucun cas entraîner une augmentation de la déforestation importée au sein de l’Union européenne ;
  • Que les politiques publiques des pays du Mercosur soient pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'Accord de Paris, qui font partie intégrante de l’accord d'association ;
  • Que les produits agroalimentaires importés bénéficiant d’un accès préférentiel au marché de l’Union européenne respectent bien, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l’Union européenne. Un suivi de ces produits sera effectué.
Ce sont sur ces fondements et en s’inspirant des propositions formulées par la commission d’évaluation indépendante que le Gouvernement entend travailler, en lien avec d’autres Etats membres de l’Union européenne, à l’élaboration de propositions concrètes, avant d’envisager toute reprise du processus vers un accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Pour ce faire, le comité de suivi de la politique commerciale, présidé par le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, M. Franck Riester, sera étroitement consulté.
Cet exercice s’inscrira pleinement dans la démarche portée par la France, dès le discours prononcé par le président de la République en septembre 2017 à La Sorbonne soulignant la nécessité que, dans un système commercial multilatéral ouvert et fondé sur des règles, celles-ci intègrent mieux la prise en compte des enjeux environnementaux et la promotion de normes élevées en matière sociale, environnementale, sanitaire et de protection des consommateurs. Le plan d’action CETA, présenté en octobre 2017, avait ainsi formulé plusieurs outils opérationnels de refonte de la politique commerciale européenne pour une meilleure articulation avec les enjeux mondiaux en matière de développement durable. Plusieurs d’entre-eux sont d’ores et déjà mis en œuvre, et l’ensemble de ce plan continue de structurer la position française dans l’élaboration de la politique commerciale européenne. Ces éléments traduisent aussi de manière très concrète les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui propose notamment d’« inscrire le respect des engagements de l’accord de Paris comme objectifs contraignants des accords commerciaux ». Cette ambition recueille un écho croissant dans les autres Etats membres de l’Union européenne, comme l’illustre le non-papier franco-néerlandais sur le commerce et le développement durable diffusé en mai dernier.
Le Gouvernement intensifiera encore sa mobilisation en ce sens, en contribuant activement à la révision de la stratégie de politique commerciale de l’Union européenne, qui a été engagée par la nouvelle Commission européenne.

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