Discours du Premier ministre à l'occasion du 130ᵉ congrès national des sapeurs-pompiers de France
Michel BARNIER
Pour tout vous dire, on ne voit rien du tout quand on est ici. Néanmoins, je suis, en vous devinant, pour beaucoup de raisons, très heureux de participer à ce grand congrès de Mâcon.
On me disait, le ministre de l'Intérieur, que vous n'aviez pas eu souvent depuis 20 ans la visite d'un Premier ministre. En tout cas, celui qui est devant vous est très heureux d'être là, avec le ministre de l'Intérieur, naturellement, qui m'accompagne, Bruno RETAILLEAU. Monsieur le président BOSLAND, vous avez cité tout à l'heure le rôle important d'André ACCARY, que je salue, de Jean-Patrick COURTOIS, le maire de Mâcon, que je connais depuis longtemps.
Je salue également les parlementaires, Mesdames et Messieurs les députés, sénateurs, députés européens, Mesdames et Messieurs les présidents de départements. J'ai une vieille fidélité pour le rôle de président du département, puisque j'ai eu l'honneur de l'être pendant 17 ans en Savoie, saluer les élus qui sont ici et naturellement, Monsieur le président ACCARY, tous les volontaires, les équipes qui vous ont aidé à préparer, on m'a dit que vous avez cité 1 200 volontaires, y compris pour mettre en place cette salle cette nuit, qui ont contribué à vous accueillir, Mesdames et Messieurs, et à réussir ce grand congrès.
Donc me voilà donc à Mâcon pour cette toute première sortie officielle. Je suis là depuis 20 jours. Je ne sais pas pour combien de temps je suis là, d'ailleurs.
[Applaudissements]
Compte tenu de la situation très unique depuis 60 ans, inédite à l'Assemblée nationale, mais je suis là comme quelqu'un qui engage un long chemin. J'ai l'habitude des randonnées en montagne. Je sais les dangers qui sont, tout au long de cette route ou de ce chemin, les incertitudes, et j'aborde tout cela, comme vous l'avez compris, avec beaucoup de détermination. Tout au long de cette visite, tout à l'heure, tant et tant de sapeurs-pompiers, de jeunes, de femmes m'ont dit : « Bon courage ». Je ne manque pas de courage, j'ai toujours eu du courage. J'ai même encore un peu d'utopie, pour tout vous dire. Mais on ne peut pas agir seul.
Voilà pourquoi aussi je suis heureux de cette première visite sur le terrain depuis 20 jours, et le Gouvernement est à peine formé depuis quelques jours. Et je suis très heureux que Bruno RETAILLEAU, qui est l'un des vôtres, qui lui aussi a une expérience de terrain, ait rejoint cette équipe. Pour beaucoup de raisons personnelles, je suis très heureux d'être là, même si le temps m'a manqué pour faire le tour de tous les sujets, au-delà de ceux que je connaissais déjà.
Et surtout, Monsieur le président, je n'ai pas une précaution, je ne me défile pas, je vous dis simplement que j'ai besoin, dans un délai lui aussi extraordinairement, historiquement court : jamais un Premier ministre, jamais depuis 60 ans, n'a été contraint à présenter un budget en 15 jours, et ce que je trouve, je le dis sans polémique, est extrêmement grave, et je pèse mes mots. La responsabilité qui est la mienne et celle du Gouvernement, donc, je ne vais pas être en mesure de répondre à toutes les questions précises que vous avez si bien posées, Monsieur le président. Mais je les ai bien notées et nous allons travailler pour le mieux.
En tout cas, pour toutes ces raisons personnelles, savoyardes, humaines, je suis heureux d'être ici et que ce soit avec vous que je fasse cette première visite. Quand je vois aussi, pour tout vous dire, les risques, les incendies, les embûches, les tremblements de terre, les trous, sans parler des pandémies, je pense actuellement à une pandémie animale qui touche gravement le secteur de l'agriculture un peu partout, la FCO, quand je vois tout ça, pour tout vous dire, pour vous parler franchement, je me sens l'âme et la volonté et l'énergie d'un sapeur-pompier. [Applaudissements]
Comprenez donc cette rencontre, Mesdames et Messieurs, comme un hommage du Gouvernement à votre engagement, un engagement qui vous honore et qui nous engage, nous, pouvoir public, dans un contexte où vous êtes de plus en plus sollicités, parfois trop, comme vous l'avez dit, et de plus en plus exposés dans l'exercice de vos missions de secours. Un engagement qui vous vaut la reconnaissance de tous les Français et le soutien, je le redis, sans faille, dont je serai le garant, du Gouvernement.
En saluant cet engagement, je mesure aussi ce qu'il y a d'exigence et parfois de sacrifice, de danger dans la vocation de servir, pour vous-mêmes et vos proches, jusqu'au sacrifice ultime auquel le devoir peut parfois vous confronter. Je veux rendre hommage ici de tout cœur aux quatre sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie depuis le début de cette année, dans l'exercice de leur mission et à tous ceux qui ont disparu tragiquement précédemment, en ayant une pensée particulière pour leur famille, pour leurs frères d'armes que vous êtes, et pour tous ceux aussi qui ont été blessés, qui restent atteints dans ces interventions.
Sapeurs-pompiers de France, dans votre engagement qui porte son lot d'abnégation, de sacrifice, je viens de le dire, essentiel à la vie de notre pays, vous pouvez, je vous le dis en pesant mes mots, compter sur le Gouvernement pour défendre les intérêts de la sécurité civile et protéger celles et ceux qui font le choix de servir. Je veux d'ailleurs, puisque j'ai été très intéressé et frappé des dialogues que j'ai pu nouer tout à l'heure, rapidement, parfois trop rapidement, dans les allées de votre salon, vous dire qu'à côté du service de sécurité que vous assumez, et je veux partager, Monsieur le Président, ce que vous avez dit au terme de votre discours en disant : « Il faut reconnaître que les sapeurs-pompiers sont le cœur de la gestion des risques. » C'est aussi mon opinion, et celle du ministre de l'Intérieur. [Applaudissements] et je veux... Je veux aussi vous dire ce que je ressens, c'est qu'il y a à côté du service de sécurité que vous assumez, vous les premiers, mais pas tout seul, évidemment, il y a une sorte de service de citoyenneté, si vous permettez cette expression, qui est porté également par votre engagement, et dont vous donnez l'exemple à travers le bénévolat de près de 200 000 sapeurs-pompiers, mais aussi l'engagement de plus en plus de jeunes, de plus en plus de jeunes, j'étais très, très frappé, en les interrogeant tous, où chacun, ils m'ont dit : « Nous, on veut être sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires. On sera tous engagés. » Et aussi de plus en plus de femmes, voilà, c'est pour ça que je parle de services de citoyenneté dont notre pays a tant besoin en ce moment.
Mesdames et Messieurs, 300, 300, c'est le nombre d'interventions de sapeurs-pompiers qui vont se dérouler pendant ce discours. Bah ça dépend de sa longueur aussi. Une intervention toutes les 6 secondes, l'un d'entre vous m'a rappelé ça tout à l'heure, pour affronter le feu, faire face aux catastrophes naturelles, porter secours aux victimes de la route, aux âmes en détresse, aux personnes affaiblies qui appellent à l'aide. Une intervention toutes les 6 secondes pour porter un premier secours qui est souvent celui du dernier recours, partout en métropole et aussi partout dans nos territoires et départements d'Outre-mer, comme vous l'avez rappelé.
Je le disais d'emblée, je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous et de vous remercier de me donner cette occasion. Ce congrès, c'est un moment fédérateur pour les sapeurs-pompiers. Une communauté aux visages multiples, professionnels, volontaires, militaires, cadets, jeunes sapeurs-pompiers aux côtés de sapeurs-sauveteurs de formation militaire, de la sécurité civile, aux 103 services territoriaux d'incendie et de secours. Ça, c'est une occasion — et j'ai été marqué par ça — de présenter, de plus près encore, peut-être à des intervenants extérieurs ou à des personnes qui viennent de l'extérieur, des nouvelles technologies dont vous avez besoin, l’intelligence artificielle, le numérique, les nouveaux matériels, y compris, Monsieur le Président, les matériels prototypes européens. Je pense depuis longtemps qu'il y a des matériels qu'on fait chez nous, que d'autres font à côté, il y a des concurrents, et nous ne sommes pas seuls dans le monde. Les Chinois sont là, les Américains, personne ne nous demande la permission. Et donc, dans certains cas, comme les CANADAIR, ça s'appellera peut-être autrement, il faudra mutualiser et construire, comme ça commence à être le cas, vous l'avez rappelé, des matériels chez nous, pourquoi pas d'abord chez nous, mais des matériels à dimension européenne. Donc, cette technologie, c'est aussi l'occasion de réflexion en commun sur les sujets qui transcendent tous les SDIS.
Et c'est pour les services de l'État, et en particulier pour le ministère de l'Intérieur, qui restera pilote dans cette gestion des risques, avec en son sein la Direction générale de la sécurité civile, la gestion des crises, dont je salue Julien MARION, le Directeur général, sera l'occasion d'apporter des réponses, de rechercher des solutions, aujourd'hui, demain, dans les semaines qui viennent. Et c'est aussi à cet esprit de dialogue que je veux me référer, puisque c'est ma règle et ma méthode dans tous les domaines. Remettre du lien, remettre du respect — ce n'est pas un mot archaïque, le respect —, remettre de l'écoute, remettre... Je rencontrais, j'ai eu au téléphone le maire de Saint-Brieuc hier, qui a été agressé... qui a failli perdre la vie, d'ailleurs. Et il me disait, il faut que dans l'espace territorial, une commune, un village, une grande ville, une moyenne, on se reparle, on se parle les uns les autres.
C'est ça qui me frappe plus, arrivant à Matignon, quand je regarde ce qui se passe à l'Assemblée nationale, ou parfois ce qui ne s'y passe pas, d'ailleurs. Dans le débat politique, je suis assez frappé de cette violence, de cette incapacité de se respecter. On ne vient pas tous du même endroit, Mesdames et Messieurs. On n'a pas tous les mêmes idées, on n'a pas tous la même sensibilité. On ne va pas tous au même endroit d'ailleurs, mais on est là, en charge les uns et les autres, dans nos responsabilités diverses et beaucoup d'entre vous sont des élus, en plus d'être sapeur-pompier comme vous l'avez été, Monsieur le président. On a en charge l'intérêt général, on a en charge le bien commun, on a en charge la France ou un morceau de France, on a en charge la République dont il faut prendre soin et qui est fragile. Voilà. C'est ça qui me frappe.
Et en tout cas, moi, je ne changerai pas de ligne aussi longtemps qu'on voudra bien me faire confiance. L'année 2024, c'est une année déjà exceptionnelle pour la sécurité civile. Grâce au professionnalisme et à votre engagement, et à ceux de vos partenaires, la France a pu relever haut et bien la main le défi de l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Je veux d'ailleurs associer à ces remerciements le préfet Michel CADOT, qui est là, quelque part, qui est à mes côtés désormais à Matignon, et qui a coordonné les services de l'État avec beaucoup de succès et d'intelligence.
Ce succès est dû à un travail de planification, de mobilisation des acteurs pour renforcer les services qui accueillaient les épreuves. Et pour moi-même avoir organisé il y a maintenant beaucoup plus longtemps des Jeux olympiques en Savoie avec Jean-Claude KILLY, je sais que tout ça n'aurait pas été un succès à l'honneur de notre pays et de son savoir-faire sans les secours, les sapeurs-pompiers, la sécurité civile, les volontaires, 40 000 volontaires. 40 000 volontaires qui ont donné parfois 15 jours, 3 semaines, un mois de leur temps pour réussir les Jeux. C'est un engagement exceptionnel qui est aussi celui des sapeurs-pompiers, qui est reconnu, qui d'ailleurs sera reconnu par une prime venant consacrer ces efforts, identique à celle des policiers ou des gendarmes et qui sera versé dans quelques semaines, j'espère, à tous ceux qui ont pris part au renfort. Cela représente un effort, je le dis en passant, comme ça, parce qu'il s'agit d'argent public de 27 millions d'euros, dont 12 millions ont été et sont financés par l'État, le reste par les Collectivités locales.
Cela a aussi fait progresser la connaissance mutuelle des grandes familles de la sécurité civile : sapeurs-pompiers, militaires, sapeurs-sauveteurs, bénévoles des associations agréées de sécurité civile, et ce sera l'un des héritages des Jeux olympiques et paralympiques à entretenir et à faire prospérer. Il y a d'autres événements, Monsieur le président, vous les avez cités tout à l'heure, plus graves d'ailleurs, qui ont ponctué cette année et jusqu'à maintenant. Vous êtes intervenu à Mayotte pour distribuer de l'eau potable à la population, dans le Nord et le Pas-de-Calais, avec des moyens insuffisants. Vous avez parlé tout à l'heure d'un sujet qui m'intéresse aussi, qui est celui des moyens de pompage de puissance. Il a fallu faire appel à la solidarité européenne, d'autres pays qui étaient peut-être mieux équipés ou qui avaient de matériel disponible, pour lutter contre les inondations dramatiques dans les départements de l'Ouest, après le passage de la tempête Ciaran ; à La Réunion, après le passage du cyclone Belal. Aujourd'hui encore, situation extrêmement grave, extrêmement grave en Nouvelle-Calédonie où à la suite des troubles près de 20 à 25 % du potentiel économique a été détruit dans toute la Nouvelle-Calédonie. Alors plus que jamais, sapeurs-pompiers de France, vous êtes les premiers et vous resterez les premiers acteurs, je viens de le dire, de la gestion des crises.
La sécurité civile a été aussi au rendez-vous d'une saison de feu. Sans doute moins intense qu'en 2022, mais qui a tout de même nécessité une importante mobilisation de moyens, et grâce à une excellente anticipation, une mobilisation d'ampleur, notamment des moyens aériens, le bilan de la saison qui s'achève apporte des enseignements qu'il faut étudier. Ce bilan, il n'est pas dû au hasard, ni même d'ailleurs à une météo plus clémente, il est dû aux moyens utilisés, à une culture de la prévention, à la doctrine d'emploi mise en place, à votre mobilisation, notamment celle des sapeurs-pompiers volontaires, qui sont au rendez-vous chaque été pour lutter contre les feux de forêt et la destruction d'espaces naturels. Et nous le savons, ils ne sont plus désormais cantonnés, ces risques ou ces incendies, aux sols massifs méditerranéens ou au (inaudible), comme on l'a vu en Bretagne encore l'année dernière. Les nouveaux moyens de lutte contre les feux, dont les acquisitions ont été aidées par l'État dans le cadre des pactes capacitaires, vont nous permettre de confirmer, d'améliorer ce bilan l'année prochaine. Les pactes capacitaires,on en avait parlé tout à l'heure, ce sont 150 millions d'euros mobilisés, sous l'impulsion du précédent ministre de l'Intérieur, que je remercie, pour les feux de forêt, ça a permis l'acquisition de plus de 1 000 engins, dont 700 camions-citernes, feux de forêt et matériel de lutte contre les feux de forêt. C’est, me dit-on, l'équivalent, j'ai ça sur mon papier, de 43 colonnes de renforts en métropole sur la période 2023-2027. J'étais aussi intéressé par ce que ça veut dire ce programme capacitaire, puisqu'il se déroule sur plusieurs années, qu'il met ensemble des entreprises différentes et qu'il mutualise et commande des (inaudible) ou des collectivités locales. Donc, ça donne ce qui est important pour les entreprises et pour vous, de la prédictabilité, de la visibilité.
Et donc, nous continuerons à travailler dans ce cadre en tirant les leçons de ce qui a été bien fait. Il y a beaucoup d'autres projets de modernisation qui sont engagés et que nous allons poursuivre au rythme où nous le permettra le budget, qu'il s'agisse des outils numériques, j'en ai parlé, de la gestion des alertes, des communications mobiles ou des équipements de protection compte tenu des risques auxquels vous êtes exposés en intervention. Je serai sur tous ces sujets que vous avez précisément cités, Monsieur le président, en excellent, Président, que vous êtes… je serai attentif et vigilant aux besoins financiers que nécessiteront ces projets et ces investissements dans un contexte budgétaire très tendu, pour le moins que je puisse dire.
Au-delà, il faudra continuer à renforcer la coopération avec nos partenaires européens, dans la gestion des crises et la mutualisation des moyens. Voilà, il faudra aussi rappeler, c’est un sujet sur lequel j'ai beaucoup travaillé lorsque j'étais chargé d'une mission en 2005-2006 par le président de la commission, j'étais après un mandat de commissaire et avant un autre, très marqué par ce qui s'est passé dans l'affaire du tsunami, 240 000 morts en l'espace d'une nuit, 240 000 morts. Et où j'ai vu, puisque je suis allé… le premier ministre des Affaires étrangères sur place au Sri Lanka et en Thaïlande le lendemain, frappé par le manque de coordination des services, des hôpitaux de campagne qu'on installait, peut-être pas là où il y en avait besoin. L'absence d'aide pour les civils de toute l'Europe. J'ai toujours eu cette culture du risque, pour tout vous dire. C'est un sujet qui m'a toujours passionné. J'ai même publié un atlas des risques majeurs dans le monde il y a plus de 35 ans. Et quand j'ai été ministre de l'Environnement, j'ai créé le Fonds Barnier, j'ai créé beaucoup de mécanismes, les plans de prévention des risques dans les communes, pour prévenir. Je pense depuis longtemps, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, dans ce genre de situation, les risques, mais dans d'autres domaines aussi, ça peut valoir en politique, la prévention coûte moins cher que la réparation.
[Applaudissements].
Et je pense aussi qu'une réparation organisée, anticipée est plus efficace, coûte moins cher qu'une réparation désorganisée et improvisée. C'est ça l'idée de la Force européenne de protection civile que vous avez rappelée. Je n'ai pas d'amour-propre d'auteur. J'ai travaillé avec une équipe sérieusement, d'ailleurs — en écoutant beaucoup en France, en Italie, où il y a de bonnes expériences aussi, les services de protection civile, les sapeurs-pompiers — à l'idée qu'on pourrait créer, j'en ai parlé à Bruno RETAILLEAU, un centre opérationnel faisant face à 7 types de crises potentiels qui vont se multiplier. Qu’il s'agisse des grands incendies, des grandes inondations, des catastrophes industrielles ou nucléaires, qu'il s'agisse de marée noire, qu'il s'agisse de grandes pandémies — j'ai écrit ça en 2006, on ne parlait pas du covid à l'époque — de terrorisme. On ne peut pas lutter avec les mêmes moyens contre tel ou tel type de ces catastrophes qui sont différentes.
Donc l'idée est très simple, elle est de préparer des unités spécialisées qui restent là où elles sont, pour les besoins locaux ou nationaux, mais qui sont volontairement mutualisables, mobilisables en tant que des besoins quand il y a une catastrophe, comme celle que je viens d'évoquer, qui dépasse les seuls moyens d'un pays ou de deux pays voisins, voilà. Et dans ces cas-là, il faut aller au secours. C'est ce qu'on fait dans certains pays dans le Nord-Pas-de-Calais, c'est ce que vous faites les uns et les autres en allant... Ou en formant, d'ailleurs, on disait ça tout à l'heure, en formant les sapeurs-pompiers du Portugal ou d'Espagne. Il faut mutualiser, préparer cette réponse. Pas seulement bien réagir vite, mais avoir préparé une réponse, être interopérable, savoir se parler, parce que ce n'est pas toujours facile d'avoir une seule langue, et se former ensemble, se former ensemble. Voilà.
C'est ça la prochaine étape, et auquel nous allons travailler avec le ministre de l'Intérieur et les parlementaires européens, pour faire face à la multiplication certaine des catastrophes, qui ne sont pas toutes naturelles, Mesdames et Messieurs, je viens de les évoquer. Elles ne sont pas toutes dues au climat, elles sont parfois dues à l'Homme, et prévenir. Derrière ces succès opérationnels et au-delà de la modernisation engagée, il y a, je sais, des attentes fortes auxquelles il n'a pas été encore répondu. Vous m'avez dit tout à l'heure, nous attendons, Monsieur le Premier ministre, que vous répondiez. Je vous ai dit que j'avais besoin d'un peu plus de temps et de faire des arbitrages qui ne sont pas tous faciles. Je ne vais pas vous raconter d'histoire, je ne vais pas faire d'esbroufe, je ne vais pas faire de mensonges. Vous ne pouvez pas compter sur moi là-dessus. Je vais dire la vérité. Et je voudrais appeler les Français à comprendre cette vérité qui est parfois douloureuse. Voilà.
Mais je sais qu'il y a beaucoup d'attentes, vous les avez évoquées et clairement rappelées. Et des risques qui pèsent sur le modèle de sécurité civile. En matière de risque, d'abord, je sais les craintes que les récentes décisions de justice ont pu susciter légitimement sur la pérennité du volontariat en France. Ce volontariat, pour moi, il est très important, et pas seulement pour les sapeurs-pompiers, mais d'abord pour les sapeurs-pompiers. Il est aussi important pour moi, s'agissant des militants associatifs et bénévoles, je l'ai dit à propos des Jeux, mais qui sont sur le terrain, qui font du sport, d'ailleurs, ils sont aussi parfois sapeurs-pompiers. Je veux qu'on encourage davantage ce volontariat dans notre pays parce qu'il est à l'honneur de la République. C'est un socle pour le modèle français. On me dit que les deux tiers du temps opérationnel consacrés chaque année, à près de 5 millions d'interventions sur l'ensemble du territoire, viennent de l'engagement volontaire de beaucoup d'entre vous. Voilà. Et donc, je veux qu'on reconnaisse ce modèle et qu'on le défende, qu'il ne doit pas être fragilisé pour de mauvaises raisons ou parce que certains à Bruxelles ou ailleurs ne le comprennent pas. Les sapeurs-pompiers ne sont pas des travailleurs quand ils sont volontaires.
[Applaudissements]
Ce sont des citoyens engagés, il faut qu’ils soient reconnus et respectés en tant que tels. Bruno RETAILLEAU va travailler avec vous monsieur le Président, sérieusement comme c’est son habitude, pour préserver ce modèle, pour traiter les points de fragilité qu'il présente, pour le consolider. Il faudra en effet clarifier le cadre d'emploi des sapeurs-pompiers volontaires lorsque c'est nécessaire, notamment dans les situations d'emploi les plus contraintes. Nous le ferons avec bon sens en prenant en compte les spécificités des organisations et certains territoires aussi. J'ai dit avec le ministre de l’Intérieur que nous allions donner davantage de pouvoir d'interprétation, d'expérimentation aux préfets, aux départements, à condition de pouvoir les protéger quand ils expérimentent ou qu'ils dérogent ou qu'ils expérimentent. Nous allons faire cela, et nous le ferons, il va de soi, pour la pérennité de ce modèle. Je sais, Monsieur le président, que vous partagez ces objectifs et que nous travaillons étroitement ensemble pour les décliner et que nous défendrons aussi ce modèle au niveau européen puisque c'est le sujet que vous avez évoqué. C'est d'autant plus essentiel pour un sapeur-pompier volontaire qu'ils montrent au quotidien et dans la durée un engagement majeur que nous devons soutenir.
Dans cet esprit, je parle de durée, je veux simplement confirmer que le Gouvernement soutiendra le projet de relever l'âge limite de 65 à 67 ans, en permettant qu'il soit décalé. Le projet de décret est actuellement à l'examen au Conseil d'état. Nous le ferons aboutir d'ici à la fin de cette année. [Applaudissements] Et il y a d'autres sujets, Mesdames et Messieurs. Il y a d'autres sujets. Le sujet spécifique des trimestres complémentaires de retraite, d'abord, les ministres concernés vont reprendre ce dossier. À ma demande, ils vont travailler en concertation avec vous pour que, au-delà de ce qui a déjà été décidé, vous l'avez rappelé, une solution sérieuse et possible soit identifiée. Je ne souhaite pas que la perspective qui a été ouverte précédemment reste lettre morte. Mais je veux dire avec gravité, je dois, nous devons, vous devez, en tant que citoyens contribuables, accepter qu'on tienne compte de la situation budgétaire du pays qui est très grave et la situation aussi des régimes de retraite. Il faut en revenir à l'esprit du texte de loi et consacrer, nous y serons prêts, une avancée réelle et concrète. Il faudra le faire dans la concertation, peut-être progressivement, parvenir à une issue qui soit soutenable et acceptable. C'est mon devoir de vous le dire.
Les finances de l'État, les finances de la Sécurité sociale sont dans une situation très difficile, mais je n'ignore pas non plus les difficultés auxquelles les conseils départements doivent faire face, qui sont en première ligne pour assurer et financer l'activité des SDIS dans un contexte où ils sont par ailleurs de plus en plus sollicités et de plus en plus mobilisés. Voilà. J'ai toutes ces réalités dans ma tête, avec des chiffres qui me tombent dessus, que nous découvrons, des difficultés plus importantes qu'on ne le croyait. J'ai demandé au ministre des Comptes publics de dire au Parlement cette semaine que le défi de 2024 atteignait plus de 6 %. Bon. Mais ce n'est pas, Mesdames et Messieurs, je le dis, j'espère de manière claire, ce n'est pas Bruxelles, ce n'est pas les pouvoirs extérieurs qui vont nous obliger à bien nous comporter, comme des parents ou des pères de famille. Faire attention à ce que nous dépensons, ne pas continuer à dépenser sur le dos de nos enfants, de nos petits-enfants, de l'argent que nous n'avons pas aujourd'hui. Les emprunts que nous avons, 3 000 milliards de dettes, 3 100 milliards de dettes, ce sont des emprunts qui ont été faits, il y a de longues années pour certains et qui sont arrivés à maturation. Et comme nous avons de plus en plus de dépenses publiques, nous devons emprunter. Mais on n'emprunte plus à 1, 0,5, parfois 0 %, comme c'était le cas il y a 10 ans ou 5 ans. On emprunte maintenant à des taux qui sont proches de ceux du Portugal, de l'Espagne et bientôt de la Grèce. Voilà la réalité des marchés. Voilà la réalité des marchés. Et les intérêts de la dette, Mesdames et Messieurs, dont nous sommes comptables, c'est 51 milliards d'euros aujourd'hui, 51 milliards d'euros. Bien plus que le budget de l'éducation, 51 milliards d'euros. Ça, c'est notre dette commune, celle que je trouve et celle que nous devons gérer et je ne veux pas augmenter cette dette, je veux la diminuer. Comme la dette écologique, je veux prendre cette responsabilité de diminuer la dette financière sur la tête et le dos de nos enfants, de nos petits-enfants. Voilà ce que je veux dire avec gravité. Mais dans ce cadre-là, je suis content d'être venu pour vous dire que nous allons regarder de très près et d’une manière constructive vos préoccupations, aussi les engagements qui ont été pris. Voilà.
Les discussions relatives aux revalorisations attendues en matière d'indemnitaires qui relèvent du comité des financiers s'inscrivent dans ce contexte contraint. Il est essentiel qu'elles puissent aboutir prochainement — et je le dis au nom du ministre de l'Intérieur — l'État sera facilitateur et vigilant pour que les échéances soient tenues. L'État a aussi pris des mesures fortes pour soutenir les 10. Outre les pactes capacitaires dont j'ai parlé, je pense à l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques du malus écologique. Mesdames et Messieurs, notre modèle de sécurité civile de protection est précieux. Il a un coût, que vous connaissez, puisque beaucoup d'entre vous l'assument. Nous devons faire face à des nouveaux défis d'ampleur : le vieillissement de la population, l'aggravation des catastrophes naturelles, le changement climatique. Et tout ça doit nous conduire à accroître les besoins de secours et la gestion de crise. C'est pourquoi, Monsieur le Président, je vous donne une réponse positive pour la reprise rapide des travaux de Beauvau, qui est un lieu de concertation et d'avancée. Le Beauvau de la sécurité civile va reprendre. Il avait été lancé en avril dernier. Il va être réactivé sous l'autorité du ministre de l'Intérieur. Ce cadre de concertation inédit doit permettre d'aborder collectivement, dans l'esprit que j'ai indiqué, tous les défis qui touchent aux missions, aux financements, à la gouvernance aussi, à la résilience, à la place de chaque citoyen, à l'attractivité et enfin au pilotage de la gestion des crises. Voilà, ça fait 30 ans qu'il y a eu la loi de départementalisation des services incendie et de secours. 20 ans après la loi de modernisation de la sécurité civile, nous allons aujourd'hui saisir l'opportunité de défendre le modèle français dans ce qu'il a de singulier et le faire évoluer pour préparer toutes celles et tous ceux qui contribuent au défi de l'avenir. Je voudrais aussi dire qu’avec le ministre d'Intérieur, notre objectif est d'aboutir à un texte d'ici la fin du 1ᵉʳ semestre 2025 qui pose, avec vous, avec vous, les bases de ce modèle renouvelé. Puis, il y a enfin une dimension qui là aussi m'intéresse, qui est la dimension européenne. J'en ai parlé de la Force européenne de protection civile. Je veux le dire aussi à propos des conséquences négatives de la directive 2023 sur le temps partiel.
Et puis d'un autre projet que Grégory ALLIONE et ses collègues connaissent bien, celui de cette nouvelle directive que vous avez évoquée dans votre propos, si je vous ai bien entendu, relative à l'engagement citoyen bénévole et au niveau européen. Très important, Monsieur le Président, que comme vous avez commencé de le faire, vous avez parlé de 18 fédérations européennes, on ne se parle pas seulement entre nous. À Bruxelles, il vaut mieux parler aux hauts fonctionnaires, parfois aux commissaires, qui ne devraient pas être des hauts fonctionnaires. Moi, je pense que… j'ose dire qu'à Bruxelles comme à Paris, ils m’excuseront, quand les technocrates prennent le pouvoir, c'est que les politiques leur ont laissé le pouvoir. Voilà.
[Applaudissements]
Mais voilà peut-être comment la directive de 2003 est arrivée avec ses conséquences. Et donc, il faut recadrer les choses, aller parler aux hommes et aux femmes politiques qui sont à la Commission, aller parler aussi aux bureaucrates et technocrates qui sont compétents, mais qui sont parfois un peu éloignés du terrain. Et pour ça, il faut parler, pas nous, Français seulement, il faut parler avec les autres. C'est une recommandation que je vous dis. Plus on parle avec les Allemands, avec les Italiens qui ont une tradition de protection civile avec d'autres pays, mieux ça vaut. Voilà. Donc, je vous recommande de faire des, comme on dit en patois savoyard, des task force.
Et je vous y aiderai avec le ministre des Affaires européennes qui est très mobilisé là-dessus et avec les parlementaires européens. Nous devons obtenir, comme le président de la République l'a dit, cet engagement pour cette nouvelle directive relative reconnaissant au niveau européen l’engagement citoyen, bénévole et volontaire. Voilà ce que je voulais vous dire. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers, Mesdames et Messieurs, est dépositaire de cet héritage de la longue histoire de la sécurité civile qui s’est construite au cours d’une longue période, à partir des corps communaux, des unions départementales solides. C’est un héritage très présent que je veux saluer. Et pour ça, remercier tous les présidents d'unions départementales, les élus départementaux qui font un travail remarquable pour faire vivre cette communauté de sapeurs-pompiers et ses valeurs. Voilà.
[Applaudissements]
Je voulais simplement que vous compreniez, au terme de cette première intervention, qui j’espère ne sera pas la dernière, si je suis toujours là et si vous m'invitez l’année prochaine, peut-être que je reviendrai vous voir ; je voulais vous dire mon attachement à ce que vous représentez et mes remerciements pour les exemples que vous donnez à beaucoup de nos concitoyens, en ce moment, de violences, de troubles, de désunions du pays. Nous avons besoin de vous pour cela aussi et pour préserver le modèle de protection civile et de protection des citoyens, de citoyenneté que vous représentez si bien. Voilà.
Tout à l'heure, vous avez parlé des Allobroges, je ne vais pas vous la chanter, le président du département de la Haute-Savoie pourrait peut-être le faire, mais il y a dans les Allobroges des phrases importantes, notamment dans les premières phrases de ce chant, je dis « patriotique savoyard », avec précaution, il y a une phrase qui dit : « Je te salue, terre hospitalière, où le malheur trouva protection », voilà. C'est vous qui assurez la protection. Et comprenez bien cette visite, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, comme le témoignage que le Premier ministre voulait vous dire personnellement à Mâcon de reconnaissance, de dialogue, de travail en commun qui est celui de tout le Gouvernement et qui sera aussi celui du Premier ministre de la France. Merci à vous.