Un homme victime d'addiction aux appareils connectés

Écrans : apprendre à maîtriser ses usages

Publié 06/05/2024|Modifié 06/05/2024

Professeur de psychiatrie à l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif), Laurent Karila s’est spécialisé dans l’addictologie. Il vient de publier « Docteur : addict ou pas ? » aux éditions Harper Collins et anime le podcast Addiktion, disponible sur toutes les plateformes. Entretien.

Comment reconnaître l’addiction ?

Laurent Karila : Plusieurs critères définissent une addiction à des substances licites ou illicites ou à des comportements. J’ai créé un moyen mnémotechnique simple pour le comprendre, « 5 C sur douze mois » :
  • perte de contrôle de son comportement,
  • usage compulsif (on ne peut pas s’empêcher de le faire),
  • craving :  mot anglais signifiant envie irrépressible ou irrésistible de consommer,
  • usage continu : tous les jours ou très régulièrement,
  • conséquences sur sa vie : psychologiques, psychiatriques, physiques, sociales, environnementales. On continue à consommer malgré ces conséquences.
Si on cumule chacun de ces « C » pendant au moins un an, on est en situation d’addiction.

L’addiction est une maladie chronique, une maladie de la récompense, de la motivation, de la prise de décision, des émotions.

Laurent Karila

  • Professeur de psychiatrie

Existe-il une addiction aux écrans ?

Laurent Karila : Plutôt que d’addiction aux écrans, qui sont des matrices intermédiaires, il vaut mieux parler des usages problématiques du smartphone, de la tablette ou de l’ordinateur. Les personnes viennent consulter pour leur addiction à la sexualité en ligne, aux paris sportifs, aux jeux vidéo, aux réseaux sociaux, pour des achats compulsifs…
Nous avons quatre circuits cérébraux qui fonctionnent étroitement entre eux au cours de nos activités de base : manger, boire, avoir des rapports sexuels, aimer quelqu’un, acheter, jouer. Le premier circuit est celui de la récompense. Quelque chose d’animal du genre « j’ai faim, je mange ! » Mais nous ne sommes pas des animaux, il y a un second circuit qui est celui de la mémoire et de l’apprentissage qui nous permet de nous adapter depuis que nous sommes petits. Le troisième circuit est celui de la motivation qui nous permet de changer notre comportement. Le dernier circuit qui contrôle tout est appelé le circuit de contrôle justement. 

En situation physiologique, une fois notre comportement achevé, les quatre circuits se mettent au repos. Dans le cadre de l’addiction, les quatre circuits ne fonctionnent plus ensemble. Seules la récompense et la mémoire/apprentissage fonctionnent ensemble. Le circuit de la motivation ne marche plus, donc perte de motivation et le circuit de contrôle non plus donc perte de contrôle !  L’addiction est une maladie chronique, une maladie de la récompense, de la motivation, de la prise de décision, des émotions.

Quel sont les impacts d’une surexposition aux écrans, pour les jeunes, pour les adultes ?

Laurent Karila : Pour les enfants comme pour les adultes, l’exposition à des contenus pornographiques et violents peut être délétère. Beaucoup de sites emploient des stratégies de captation de l'attention des enfants. Des biais cognitifs sont utilisés pour enfermer les enfants sur leurs écrans, les contrôler, les réengager. 

Par ailleurs, il existe des risques de douleurs du cou, des poignets, du dos, des pouces, de la fatigue visuelle, de la myopie comportementale, de maux de tête, des troubles du sommeil, de troubles du comportement alimentaire, comme le grignotage, entrainant du surpoids. La sédentarité est de mise et entraine des complications. Comme le souligne le rapport de la commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans, récemment remis au président de la République, les écrans ne sont pas à l'origine de troubles du neurodéveloppement, mais il convient de rester vigilant pour éviter l'amplification de symptômes. L’usage des écrans n’entraine pas non plus de dépression et de troubles anxieux sauf s’il existe une vulnérabilité sous-jacente.

Comment mieux réguler son usage ?

Laurent Karila : Comme je l’écris dans Docteur : Addict ou pas ?, chez l’adulte, il y a plusieurs pistes :
Il faut modifier progressivement son usage de smartphone, l’idée n’est pas de le couper complètement, ni de faire une detox digitale brutale.
Fixez-vous des objectifs quand vous utilisez votre smartphone. Par exemple, programmez son usage à certaines heures de la journée, récompensez-vous avec, en vous accordant une certaine durée d’utilisation une fois que vous avez terminé un devoir, un travail ou une corvée. Éteignez votre téléphone ou mettez-le en mode avion à certains moments de la journée. Ne prenez pas systématiquement votre smartphone au lit. Préférez un livre papier ou un autre moyen de vous relaxer.
Éteignez votre smartphone la nuit pour le recharger. Substituez l’usage de votre smartphone par d’autres activités. Ayez un programme pour combler le temps habituellement dédié à votre smartphone : méditer, lire un livre ou discuter avec des amis en personne.
En tant qu’adulte, c’est à nous de montrer l’exemple à nos enfants.

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